IHEMI

Fil d'Ariane

Évolution du crime et du cybercrime durant la pandémie de coronavirus

Évolution du crime et du cybercrime durant la pandémie de coronavirus
25fév.21

Cet article, issu des Cahiers de la Sécurité et de la Justice n°50, a été écrit par Daniel Ventre, ingénieur de recherche au CNRS et directeur adjoint de la Fédération de recherche en sciences informatiques, humaines et sociales de Versailles Saint Quentin (SIHS), et Hugo Loiseau, chercheur et est professeur titulaire à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke.

Introduction

La pandémie qui frappe le monde depuis le début de l’année 2020 produit des crises en cascade1 : crise sanitaire, crises économiques, sociales, sécuritaires, politiques, nationales et internationales. Dans ce contexte de perturbations profondes des sociétés et du système international, le crime occupe une place particulière. Nous tentons dans cet article d’identifier et de commenter les premières tendances fortes de l’évolution du crime en général, et du cybercrime en particulier, à la lumière des premiers éléments dont nous disposons, qui émanent de sources diverses telles qu’articles de presse, articles de recherche, publications d’entreprises de sécurité et rapports officiels.

Définir la crise et la nature des transformations en cours

Qu’est-ce qu’une crise ?

La crise est « une situation à laquelle fait face un individu, un groupe ou une organisation, qu’ils sont incapables de résoudre en recourant aux procédures routinières habituelles, et dans laquelle le stress est créé par le changement soudain »2. Le propre de la crise est sa soudaineté, son caractère incontrôlable. Chaque crise est unique, exigeant des réponses spécifiques, et comportant une période de difficultés majeures, intenses. Elle est une situation extraordinaire qui peut se transformer en désastre quand sa gestion est en échec3.

Décrire les transformations induites par la crise du coronavirus sur les sociétés modernes

L’ampleur des crises dues à la pandémie se comprend bien à la lumière de l’idée d’Ulrich Beck selon laquelle «la production sociale de richesses est systématiquement corrélée à la production sociale de risques»4. En effet, la mondialisation (production sociale de richesses) est corrélée avec les impacts et la vitesse de propagation de la pandémie (production sociale de risques) et de ses conséquences. Pour preuve, l’organisation des systèmes de santé partout au monde s’est très rapidement trouvée débordée par l’ampleur et la soudaineté de l’épidémie. Pour tenter de freiner la propagation du virus, de nombreux pays ont instauré en mars 2020 une période de confinement. Depuis lors, la vie quotidienne des individus, des entreprises, de la société s’en est trouvée profondément perturbée : modifications des modalités d’interaction, restrictions (des relations, des déplacements), réduction de l’activité économique, mais aussi des administrations, de l’éducation, etc. L’essence même de la société moderne et du système international globalisé, à savoir un fonctionnement fondé sur de multiples réseaux (de communication, de transports d’hommes et de marchandises), sur des flux continus, interconnexions et interdépendances, est affectée par ces mesures. Le transport aérien, encore relativement dense au mois de mars, s’est effondré en avril. On évoque alors une chute de 85%5. Pourtant, les réseaux ne sont pas tous totalement à l’arrêt.

Internet, le cyberespace et la datasphère sont parmi les réseaux qui ont justement résisté et qui ont même profité de la crise. Or, dans ce contexte, le crime a-t-il profité de cette crise particulière ou s’est-il lui-même trouvé affaibli ? Le cybercrime, a fortiori, a-t-il évolué différemment du crime conventionnel6 dans ce même contexte ?

Figure 1. Capture d’écran du site https://flightradar.live/fr/ (27 mars 2020) Trafic aérien mondial

Figure 1 : Capture d’écran du site https://flightradar.live/fr/ (27 mars 2020) Trafic aérien mondial

Du lien entre crises, transformations sociales et crime/cybercrime

De nombreux travaux se sont penchés sur les effets des crises - et plus particulièrement économiques - sur le crime7.

On peut faire l’hypothèse, bien qu’elle ait été discutée et remise en question, que les crises sont propices au développement de la criminalité. Quelques signaux dans le domaine de la cybercriminalité sembleraient conforter ce postulat : les consultations de sites ou forums de hackers auraient augmenté de près de 70% en mars 20208 (période de confinement) et certaines formes de cybercrime auraient enregistré des taux de croissance impressionnants9, tirant notamment profit de l’augmentation de la surface d’attaque offerte par des millions de salariés en télétravail et des ressources d’entreprises en ligne subitement moins sécurisées.

Le crime organisé semblerait également avoir tiré parti de la situation10, profitant de ce que les perturbations occasionnées par la pandémie auraient affaibli les actions policières internationales et les contrôles aux frontières qui se seraient moins concentrés sur la lutte contre les trafics en tous genres. Pour les auteurs du rapport « Crime and Contagion. The impact of a pandemic on organized crime »11, la pandémie impactera le crime organisé de 4 manières :

  • les activités criminelles qui ont pâti de la distanciation sociale, du confinement, des restrictions de déplacements, auront besoin de temps pour se réorganiser
  • l’attention de la police étant détournée sur des priorités nouvelles (assurer le respect du confinement par exemple) des criminels ont su tirer profit de ces brèches
  • le domaine de la santé a attiré le crime
  • le cybercrime s’est affirmé comme l’une des formes du crime essentielles, ce qui aura un impact profond et durable sur l’organisation des marchés criminels.

Il semblerait aussi que le crime ait régressé au cours du confinement, phase particulière de cette longue crise. On peut en effet s’attendre à ce que dans ce contexte la délinquance ait été perturbée par l’absence de foules dans les rues, les fermetures de la plupart des commerces, les restrictions de circulation (routes coupées, accès des villes ou des régions contrôlés voire interdits, frontières des États fermées), la peur de la maladie, etc.

Il conviendra de confirmer ces premiers constats et d’observer plus en détail les évolutions qu’a connues la criminalité depuis le début de la pandémie. La question centrale est ici de savoir si la pandémie, crise sanitaire puis crise économique, a modifié les dynamiques du crime conventionnel et du cybercrime.

 

Quelques observations sur le crime et le cybercrime en temps de coronavirus

Pour les deux catégories de crime, nous avons choisi d’observer les évolutions dans 7 pays : États-Unis, Mexique, Inde, Russie, Royaume-Uni, parce qu’ils font partie des pays les plus sévèrement touchés (en nombre de décès) par l’épidémie, et à l’autre bout de ce spectre, Singapour et la Malaisie. Les statistiques sont éparses, hétérogènes et de qualité inégale. La comparaison en souffre, mais nous pouvons néanmoins formuler quelques premiers constats.

La criminalité conventionnelle

Aux États-Unis, dans 25 grandes villes, les homicides augmentent fortement sur les 9 premiers mois de 2020 (+16,1%), alors que le crime en général diminue (-5,3%) ainsi que les crimes violents (-2%)12. Ces évolutions sont inhabituelles. Il est en effet rare que la tendance des homicides soit contraire à celle des crimes violents13.

Au Royaume-Uni, le crime aurait baissé sensiblement durant la période de confinement. Une enquête réalisée par l’Office national de la statistique14 fait état d’une diminution du crime de l’ordre de 32% en avril et mai 2020 (en excluant la fraude et criminalité informatique) par rapport aux deux mois précédant le confinement. Les vols et autres atteintes à la propriété ont plus fortement diminué (les individus restant chez eux, le nombre d’opportunités criminelles baissant dans les espaces publics, et l’économie nocturne étant paralysée). Ces résultats convergent avec les données de la police britannique qui font état d’une diminution de la criminalité de l’ordre de 20 à 25% en avril et mai 2020 par rapport aux mêmes mois de 2019. Mais les délits liés au trafic de drogue ont au contraire fortement augmenté (+44% en mai 2020 par rapport à mai 2019), ceci s’expliquant par l’effort particulier de la police sur ce terrain-là au cours du confinement. De même, la police a-t-elle enregistré une recrudescence des plaintes pour violences domestiques durant le confinement.

Au Mexique la violence n’a pas régressé en dépit de l’épidémie et du confinement15. Le nombre d’homicides est en progression constante, sur fond de trafics de drogue, vols, lutte pour la conquête de territoires délaissés par les forces de sécurité concentrées sur d’autres objectifs (encadrement de la lutte contre le coronavirus).

En Russie, au cours du premier trimestre 2020, les meurtres et tentatives auraient baissé de près de 5%, les vols de 8%, les viols de 31%16. Mais le crime organisé aurait augmenté au cours des 5 premiers mois de 85%. Des disparités importantes existeraient toutefois entre les différentes régions du pays.

À Mumbai (Inde) les crimes de rue ont baissé. Mais on observe aussi une diminution du nombre de vols dans les domiciles, des homicides, agressions, viols...17 Cependant les infractions pénales ont augmenté de février à avril (un pic) avant de baisser drastiquement en mai 2020. Le pic d’avril s’explique par le nombre d’inculpations pour non-respect des consignes de confinement. À New Delhi, le crime aurait diminué de 42% entre le 15 et 31 mars 2020 par rapport à la même période de l’année précédente18. Le crime de rue baisse de 56% au cours des 5 premiers mois de 2020, par rapport à la même période de 201919. Cette forte baisse coïncide avec la période de confinement dans le pays, mais commencée bien plus tôt dans la capitale.

À Kuala Lumpur (Malaisie), d’après les autorités de police, le crime aurait baissé de 57,4% par rapport à la même période de l’année précédente, durant la première phase de confinement (18-31 mars 2020), les crimes violents diminuant plus fortement que les crimes contre la propriété. Au cours de la seconde phase de confinement (1er au 14 avril 2020) la baisse est encore plus marquée par rapport à la même période de l’année précédente, puisqu’elle dépasserait 74% pour les crimes violents et 59% pour les crimes contre la propriété20.

 

La cybercriminalité

Aux États-Unis, depuis le début de l’épidémie, le nombre de cyber-incidents déclarés auprès de l’Internet Crime Complaint Center (IC3) atteindrait près de 4000 rapports quotidiens (contre 1000 habituellement)21. Le créateur de l’entreprise de cybersécurité MonsterCloud estime, quant à lui, que les attaques par ransomware auraient augmenté de 800% depuis le début de la pandémie22. L’entreprise Microsoft souligne, quant à elle, l’évolution du cybercrime qui a su déployer très rapidement (dès le début du mois de mars 2020) des cyberattaques « thématisées » (par exemple création de sites internet frauduleux utilisant des mots clefs relatifs à l’épidémie, soit campagnes de phishing, soit attaques par ransomware d’hôpitaux). Toutefois, ces attaques restent quantité marginale par rapport à l’ensemble des attaques de malwares23.

Après avoir enregistré une baisse de 12% de la cybercriminalité de décembre 2019 à février 2020, le Mexique enregistrait une hausse du phénomène de 14% durant les mois de mars et avril 2020. Mais certaines catégories du cybercrime connaitraient des progressions impressionnantes : +73% en ce qui concerne la pornographie des mineurs (dont 80% serait passée par Facebook) 24.

Selon le ministère de l’Intérieur russe (MVD - Ministerstvo Vnoutrennikh Diel), le cybercrime représenterait 1/5ème des crimes et délits enregistrés cette année, et responsable d’une hausse de 0,8% du crime au cours du premier trimestre 202025. Le cybercrime et le crime organisé sont les deux catégories qui enregistrent une croissance, quand les autres formes de crimes déclinent depuis le début de la pandémie en Russie.

Singapour enregistrait sur le premier semestre 2020 une hausse du crime (cyber et conventionnel) de 11,6% par rapport à la même période de 2019 (passant de 16 240 cas à 18 121 infractions enregistrées). Cette croissance serait portée par la criminalité en ligne (principalement les scams), car le crime « conventionnel » aurait, pour sa part, diminué au contraire (2000 cas de moins sur la période)26.

En Malaisie, le cybercrime a progressé durant les premiers mois de la pandémie. Le nombre d’incidents rapportés à l’agence CyberSecurity Malaysia a progressé de 82% au cours des premières semaines du confinement, par rapport à la même période de 2019 27.

Nombreux sont les pays dans le monde à faire état d’une augmentation de la cybercriminalité pendant la période de confinement (le Royaume-Uni28, l’Inde29, etc.) Au-delà de ces quelques exemples, nous constatons donc que le cybercrime, comme à son habitude, touche toutes les régions du monde. Une étude30 évoque cependant une évolution dans l’espace, faite de glissements du cybercrime d’un territoire à d’autres : en mars et avril 2020 les cyberattaques se seraient d’abord concentrées sur la Chine, puis le Japon, avant de toucher l’Espagne, les États-Unis, l’Iran. Les cyberattaques auraient suivi la route du coronavirus, frappant là où l’épidémie se faisait plus forte. Plus récemment les cybermenaces pèseraient davantage sur le Brésil31.

 

Figure 1. Capture d’écran du site https://flightradar.live/fr/ (27 mars 2020) Trafic aérien mondial


Figure 2 : Capture d’écran du site DigitalAttackMap.com. Attaques DDoS du 26 mars 2020
(les attaques visualisées sur le site grand public ne représentent que 1% des cyberattaques enregistrées)

Tableau de synthèse

Nous nous intéressons ici principalement à la période de confinement32, la phase de post-confinement étant encore très peu documentée à ce stade. Nous indiquons dans ce tableau les tendances qui semblent s’imposer (sur la base des informations fournies dans les deux sections précédentes). Les pays sont classés en fonction du nombre de décès par million d’habitants (cette mesure pouvant constituer un indicateur de la force du choc que subissent les sociétés) :

Tableau 1 : Synthèse de quelques observations sur l’évolution du crime et cybercrime. Les États sont classés en fonction du nombre de décès par million d’habitants

Tableau 1 : Synthèse de quelques observations sur l’évolution du crime et cybercrime. Les États sont classés en fonction du nombre de décès par million d’habitants

Pour le crime conventionnel, la tendance semblerait globalement à la baisse, quelques catégories de crimes enregistrant cependant une croissance (violences domestiques, homicides, crime organisé). Le cybercrime semble seul véritablement progresser.

 

Des évolutions majeures du crime et cybercrime en période de pandémie ?

Volume, intensité : pas de renversement des tendances

Depuis 1990, le taux de criminalité ne cesse de diminuer dans un grand nombre de pays (occidentaux ou industrialisés). Pour les pays que nous avons retenus, la baisse est constante. Seule exception : le Mexique, où le crime augmente fortement depuis 2007. Durant la période de confinement, la tendance du crime ne s’est donc globalement pas inversée, poursuivant sa décrue (Courbe 1).

Courbe 1 : évolution des taux de criminalité (pour 100 000 hab.) depuis 1990

Courbe 1 : évolution des taux de criminalité (pour 100 000 hab.) depuis 1990

L’évolution du cybercrime s’inscrit quant à elle dans une croissance régulière depuis plusieurs années. Des séries statistiques font défaut entre 1990 et 2000, mais les données produites depuis une quinzaine d’années attestent d’une croissance régulière du phénomène, qui se renouvelle sans cesse au travers de nouvelles modalités, de nouvelles techniques ou technologies et profitant d’un cyberespace en expansion constante. A titre d’exemples, voici quelques statistiques sur le cybercrime en Inde et aux États-Unis (Courbe 2 et 3).

Courbe 2 : Inde. Statistiques 2007-2018 sur la cybercriminalité. Nombre de cas relevant de l’IT Act (2000) et de  l’IPC (Indian Penal Code) 38.

Courbe 2 : Inde. Statistiques 2007-2018 sur la cybercriminalité. Nombre de cas relevant de l’IT Act (2000) et de l’IPC (Indian Penal Code) (Note de bas de page 38).
 
Courbe 3: nombre de plaintes reçues aux États-Unis par l’IC3 (Internet Crime Complaint Center  39) depuis l’année 2000 40

Courbe 3 : nombre de plaintes reçues aux États-Unis par l’IC3 (Internet Crime Complaint Center  (note de bas de page 39) depuis l’année 2000 (note de bas de page 40).

Les deux catégories de crime évoluent ainsi dans de nombreux pays de manière distincte : le crime conventionnel diminue, le cybercrime croît. Les évolutions observées au cours des premiers mois de la crise sanitaire et des prémisses d’une crise économique prolongent ces dynamiques.

Cela veut-il dire que la pandémie, la crise sanitaire et économique n’ont aucun effet sur le crime et le cybercrime ? Sans doute non. Mais il est trop tôt pour formuler des conclusions. La pandémie elle-même est loin de son terme. Plusieurs crises vont probablement se succéder ou se superposer, à des degrés divers selon les États : sanitaire, économique, politique, sociale, sécuritaire. La chronologie de la pandémie et de ses multiples crises associées, à court, moyen et long termes, passera par des phases qu’il conviendra de prendre en considération dans les futures analyses : phase de pré-confinement ; confinement n°1 ; post-confinement ; confinement n°2 ; etc.

En l’état actuel des données dont nous disposons, nous ne saurions dire si les transformations des modes de vie ont eu un impact majeur sur le volume global du crime. En matière de cybercriminalité, les attaques se sont sans doute déplacées, changeant de cibles (de l’entreprise vers les salariés à la maison par exemple), ou s’adaptant au contexte. Mais il nous faudra disposer de mesures consolidées pour évaluer les variations de la masse du cybercrime. Les tendances d’avant la pandémie ne semblent pas à ce jour renversées. Mais nous devrons néanmoins envisager l’hypothèse du déplacement des crimes conventionnels vers le cybercrime afin d’expliquer la croissance de ce dernier.

 

Types de cybercrimes, modalités : pas de révolution, mais des adaptations

Si les modes opératoires des cyber-délinquants restent ceux qu’ils utilisaient avant la pandémie (malware, ransomware, attaques par déni de service, phishing, intrusions, vols de données, etc.), on a pu observer leur opportunisme, s’adaptant au contexte. Selon l’entreprise Palo Alto Networks, plus de 1700 noms de domaines liés au coronavirus ont été créés quotidiennement (sur la période mars-avril 2020)41. 86 607 sites ont été identifiés comme dangereux (malwares, phishing...) sur 1,2 million de noms de domaines42 recensés liés au coronavirus (avec des mots clefs tels que “coronav”, “covid”, “ncov”, “pandemic”, “vaccine”...)43. On observe également la vente sur le darknet voire sur des plates-formes de e-commerce grand public de produits de contrefaçon ou volés (médicaments, vaccins, masques, équipements médicaux), de nouvelles stratégies de phishing44, des créations de fausses cartes de l’épidémie45, des ransomwares visant salariés en télétravail, entreprises ou hôpitaux, des attaques qui visent spécifiquement des organisations de la santé, hôpitaux, ministères de la santé, ou des cyberattaques (espionnage) pour tenter de dérober les secrets de la recherche médicale sur le vaccin.

Tableau 2 : quelques cyber-incidents survenus depuis le début de l’année 2020

Tableau 2 : quelques cyber-incidents survenus depuis le début de l’année 2020

Le cyberespace est également le lieu d’opérations d’information : désinformation, fausses informations diffusées par des trolls, faux comptes de médias. Un terme anglais désigne le phénomène : l’infodemic. Nombreux sont les États qui pointent du doigt les efforts de manipulation de l’information sur les réseaux sociaux. En Malaisie, les forces de police et la Malaysian Communications and Multimedia Commission (MCMC), qui est le régulateur des contenus dans le pays, auraient ainsi lancé 260 enquêtes pour diffusion d’informations mensongères sur les réseaux, entre janvier et août 202047.

Les mots clefs seraient donc ici davantage adaptation et opportunisme du cybercrime, que renouvellement, apparition de nouveaux acteurs, reconstruction de l’écosystème cybercriminel.

 

Conclusion

La crise économique résultant de la pandémie inquiète les autorités qui redoutent, avec la disparition de millions d’entreprises dans le monde, l’augmentation du chômage et l’accroissement consécutif de la pauvreté, une déstabilisation profonde et durable des sociétés, des révoltes et une augmentation de la criminalité conventionnelle48 qui viendraient ainsi mettre un terme à des années de baisse du phénomène. La cybercriminalité devrait quant à elle continuer à s’étendre, car rien ne semble pouvoir l’arrêter. Mais il est bien sûr trop tôt pour formuler des conclusions définitives concernant l’impact (sa nature et son intensité) de la pandémie sur le crime et le cybercrime. ll conviendra de revenir sur ces premiers constats, en s’appuyant sur des données statistiques plus précises et fiables, qui ne seront disponibles que dans les mois à venir, en 2021.

 

Notes

(1) Pour une typologie des impacts des pandémies sur les sociétés, lire: - Wuqi Qiu et al., The pandemic and its impacts, Décembre 2017, Health, Culture and Society, Vol 9-10, pp.3-11 Pour un exemple des effets économiques que peut produire une pandémie, lire: - Thomas A. Garrett, Economic effects of the 1918 Influenza Epidemic. Implications for a modern day pandemic, Federal Reserve Bank of St Louis, États-Unis, Novembre 2007, 26 p.

(2) T.L. Moe, P.Pathranarakul, An integrated approach to natural disaster management: public project management and its critical success factors, Disaster Prevention and Management, 15(3), pp.396-413, 2006

(3) Al-Dahash, H, Thayaparan, M, Kulatunga, U, Understanding the terminologies : disaster, crisis and emergency, in: Association of Researchers in Construction Management (ARCOM), 5-7th September 2016, Manchester, UK.

(4) Beck, Ulrich, La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Paris, Aubier, 2001, p.36

(5) Marie-France Chatin, Défis et menaces du secteur aérien, site rfi.fr, 18 septembre 2020, https://www.rfi.fr/fr/podcasts/20200920-d%C3%A9fis-et-menaces-secteur-a%C3%A9rien

(6) Ainsi nommé pour le distinguer du “cybercrime”

(7) S.D. Levitt, Understanding why crime fell in the 1990s: Four factors that explain the decline and six that do not, The Journal of Economic Perspectives, vol. 18, n° 1, 2004, pp. 163-190 John Kurtz, Crisis and crime : examining the effect of macroeconomic conditions on criminal activity during the Great Recession, 2015, New York University, 45 p. Mamta Mittal et alt., Monitoring the impact of economic crisis on crime in India using machine learning, Computational Economics, Mai 2018, Springer, 19 p.

(8) Edvardas Mikalauskas, Data suggests unprecedented interest in hacking and cybercrime during pandemic, 2 juin 2020, Cybernews.com https://cybernews.com/security/data-suggests-unprecedented-interest-in-cybercrime-during-pandemic/

(9) Quelques chiffres sont fournis dans la seconde partie de cet article.

(10) Jeremy Douglas, The coronavirus pandemic is an opportunity for organized crime in Asia, CNN, 3 avril 2020, https://edition.cnn.com/2020/04/01/opinions/coronavirus-law-enforcement-asia-intl-hnk/index.html

(11) Global Initiative Against Transnational Organized Crime, “Crime and Contagion. The impact of a pandemic on organized crime”. Genève, Mars 2020, 25 p.

(12) Statistiques disponibles sur le site: https://docs.google.com/spreadsheets/d/1Z9b5mIwztAwmEHJW7Q5DHMjS14-Rs7XIXOt33Al_rDw/edit?usp=sharing

(13) Jeff Asher, Ben Horwitz, It’s Been ‘Such a Weird Year.’ That’s Also Reflected in Crime Statistics, 24 août 2020, The New York Times, https://www.nytimes.com/2020/07/06/upshot/murders-rising-crime-coronavirus.html

(14) Office of the National Statistics, Coronavirus and crime in England and Wales: August 2020, https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/crimeandjustice/bulletins/coronavirusandcrimeinenglandandwales/august2020

(15) Lidia Arista, El crimen organizado no está en cuarentena: cifras de violencia siguen al alza, 6 mai 2020, site politica.expansion.mx, https://politica.expansion.mx/mexico/2020/05/06/crimen-organizado-no-esta-en-cuarentena-cifras-de-violencia-siguen-al-alza

(16) Mark Galeotti, Coronavirus a Mixed Blessing for Russia’s Underworld, The Moscow Times, 11 juin 2020, https://www.themoscowtimes.com/2020/06/10/coronavirus-a-mixed-blessing-for-russias-underworld-a70541

(17) Neerad Pandharipande, Mumbai crime down during COVID-19 lockdown; sparse public movement, decreased reporting may be why, firstpost.com, 6 Juillet 2020, https://www.firstpost.com/india/mumbai-crime-down-during-covid-19-lockdown-sparse-public-movement-decreased-reporting-may-be-why-8560861.html

(18) 42% drop in crime rate since March 15, nearly 2,000 cases registered, Press Trust of India, 3 avril 2020, https://www.indiatoday.in/india/story/42-drop-in-crime-rate-since-march-15-nearly-2-000-cases-registered-1663109-2020-04-03

(19) Delhi lockdown: Sharp fall in incidents of street crime, but police data reveals bigger worry, 29 juin 2020, Financial Express, https://www.financialexpress.com/india-news/crime-rate-in-delhi-2020-lockdown-rape-cases-crime-against-women-delhi-police/2007305/

(20) Farik Zolkepli, Crime rates down in KL during MCO, say police, 16 avril 2020, site TheStar.com, https://www.thestar.com.my/news/nation/2020/04/16/crime-rates-down-in-kl-during-mco-say-police

(21) Maggie Miller, FBI sees spike in cybercrime reports during coronavirus pandemic, 16 avril 2020, https://thehill.com/policy/cybersecurity/493198-fbi-sees-spike-in-cyber-crime-reports-during-coronavirus-pandemic

(22) Top Cyber Security Experts Report: 4,000 Cyber Attacks a Day Since COVID-19 Pandemic, 11 Août 2020, site prnewswire.com, https://www.prnewswire.com/news-releases/top-cyber-security-experts-report-4-000-cyber-attacks-a-day-since-covid-19-pandemic-301110157.html

(23) Le lecteur pourra consulter les graphiques présentant les évolutions respectives des attaques “thématisées” sur : Exploiting a crisis: How cybercriminals behaved during the outbreak, 16 Juin 2020, https://www.microsoft.com/security/blog/2020/06/16/exploiting-a-crisis-how-cybercriminals-behaved-during-the-outbreak/

(24) Arturo Ordaz Diaz, Estiman aumento de cibercrimen y pornografía infantil durante pandemia, 13 mai 2020, Forbes.com, https://www.forbes.com.mx/noticias-cibercrimen-pornografia-infantil-pandemia-coronavirus/

(25) Mark Galeotti, Coronavirus a Mixed Blessing for Russia’s Underworld, The Moscow Times, 11 juin 2020, https://www.themoscowtimes.com/2020/06/10/coronavirus-a-mixed-blessing-for-russias-underworld-a70541

(26) Crime up more than 11% in first half of 2020, mainly due to rise in scam cases, 26 Août 2020, Channelnewsasia.com, https://www.channelnewsasia.com/news/singapore/crime-rate-statistics-first-half-2020-online-scams-13053746

(27) Yuen Meikeng, Cybersecurity cases rise by 82.5%, 12 avril 2020, Thestar.com.my, https://www.thestar.com.my/news/focus/2020/04/12/cybersecurity-cases-rise-by-825

(28) Jasper Jolly, Huge rise in hacking attacks on home workers during lockdown, TheGuardian.com, 24 mai 2020, https://www.theguardian.com/technology/2020/may/24/hacking-attacks-on-home-workers-see-huge-rise-during-lockdown

(29) Ronak D. Desai, Cybercrime In India Surges Amidst Coronavirus Lockdown, 14 mar 2020, forbes.com, https://www.forbes.com/sites/ronakdesai/2020/05/14/cybercrime-in-india-surges-amidst-coronavirus-lockdown/#1b80ef58392e

(30) Jefferson Macedo, Camille Singleton, COVID-19 Cybercrime Capitalizing on Brazil’s Government Assistance Program, 7 juillet 2020, Securityintelligence.com, https://securityintelligence.com/posts/covid-19-cybercrime-capitalizing-on-brazils-government-assistance-program/

(31) Jefferson Macedo, Camille Singleton, COVID-19 Cybercrime Capitalizing on Brazil’s Government Assistance Program, 7 juillet 2020, Securityintelligence.com, https://securityintelligence.com/posts/covid-19-cybercrime-capitalizing-on-brazils-government-assistance-program/

(32) Nous nous appuyons sur le recensement des dates de confinement proposé par le site https://en.wikipedia.org/wiki/COVID-19_pandemic_lockdowns

(33) Indice publié sur https://passwordmanagers.co/cybersecurity-exposure-index/#global Plus l’indice est élevé, plus le pays est exposé aux risques cyber

(34) https://fragilestatesindex.org/data/ Plus l’indice est élevé, plus l’État est considéré comme fragile

(35) Source : https://www.worldometers.info/coronavirus/?

(36) Source : https://www.worldometers.info/coronavirus/?

(37) Ici : Mumbai, New Delhi.

(38) Courbes reconstituées en partie à partir de https://factly.in/cyber-crimes-in-india-which-state-tops-the-chart/

(39) https://www.ic3.gov/default.aspx

(40) Courbe reconstituée d’après : https://www.statista.com/statistics/267132/total-damage-caused-by-by-cyber-crime-in-the-us/

(41) Jay Chen, Covid-19: cloud threat landscape, 4 mai 2020, https://unit42.paloaltonetworks.com/covid-19-cloud-threat-landscape/

(42) https://covid-public-domains.s3-us-west-1.amazonaws.com/list.txt

(43) Jay Chen, Covid-19: cloud threat landscape, 4 mai 2020, https://unit42.paloaltonetworks.com/covid-19-cloud-threat-landscape/

(44) Rudra Srinivas, How the COVID-19 Pandemic Reinforced Hackers’ Revenue Models, 6 mai 2020, https://cisomag.eccouncil.org/covid-19-pandemic-reinforced-hackers-revenue/

(45) Victor Tangermann, Hackers are using coronavirus maps to spread malware, Site World Economic Forum, 14 mars 2020, https://www.weforum.org/agenda/2020/03/hackers-are-using-coronavirus-maps-to-spread-malware/

(46) World Health Organization, WHO reports fivefold increase in cyber attacks, urges vigilance, 23 avril 2020, https://www.who.int/news-room/detail/23-04-2020-who-reports-fivefold-increase-in-cyber-attacks-urges-vigilance

(47) Harris Zainul, In Malaysia’s Covid “infodemic”, crime is all too easy, site lowyinstitute.org, 20 août 2020, https://www.lowyinstitute.org/the-interpreter/danger-good-intentions-during-covid-infodemic-malaysia (48) Ashley Tang, Covid-19: rise in unemployment will lead to higher crime rates, says Lee Lam Thye, The Star, Malaisie, 13 juin 2020, https://www.thestar.com.my/news/nation/2020/06/13/covid-19-rise-in-unemployment-will-lead-to-higher-crime-rates-says-lee-lam-thye Pradyumna Uppal, Covid-19 will lead to increased crime rates in India, International Journal of Research, Granthaalayah, Vol.8, n°4, avril 2020, pp.72-78. David Ramirez de Garay, Crimen y postpandemia: como conjurar el desastre, 13 avril 2020, https://www.mexicoevalua.org/crimen-y-postpandemia-como-conjurar-el-desastre/

Derrière cet article

Hugo Loiseau - Cahiers de la sécurité et de la justice - INHESJ En savoir plus

Hugo Loiseau

Fonction Professeur des universités
Discipline Cybersécurité
Daniel Ventre En savoir plus

Daniel Ventre

Fonction Ingénieur de recherche au CNRS
Discipline Cybersécurité