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Les violences à l'encontre des agents publics

Les violences à l'encontre des agents publics
15fév.19

Analyse des statistiques de violences à l'encontre des personnes dépositaires de l'autorité publique, issue de La Note ONDRP n°31.

Les infractions de violences commises à l'encontre des personnes dépositaires de l'autorité publique (PDAP) ou chargées d'une mission de service public (PCMSP) peuvent être révélatrices des tensions existantes dans la relation police-population  ou mettre en évidence une contestation de l'autorité.

Entre 2016 et 2017, un peu plus de 35 000 personnes ont été mises en cause (MEC) par les forces de sécurité pour des faits de violences commis contre les PDAP ou les PCMSP. Parmi les auteurs mis en cause, près de 9 individus sur 10 étaient t de sexe masculin (87 %), 59 % avaient moins de 26 ans au moment des faits et 86 % étaient de nationalité française. Un tiers des MEC étaient sans emploi. Enfin plus de la moitié des personnes interpellées a été MEC pour des violences n'ayant entrainé aucune incapacité de travail (53 %).

La part des mineurs MEC pour ce type de violences est moins importante lorsque celles-ci ont été spécifiquement dirigées contre les PDAP : un acte sur cinq a été commis par un mineur (20 %), tandis qu'ils représentent 49 % des MEC lorsque la victime est chargée d'une mission de service public. Concernant les actes de rébellion, la part des mineurs apparait plus faible : 14 % avaient moins de 18 ans au moment des faits.

Les violences volontaires sont définies aux articles 222-7 à 222-16-3 du Code pénal. Le fait de commettre ces violences à l'encontre des personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public constitue une circonstance aggravante alourdissant la peine encourue.

Une personne dépositaire de l'autorité publique (PDAP) détient un pouvoir de décision et de contrainte qu'elle exerce au nom de la puissance publique. Il s'agit par exemple  des représentants de l'État, des policiers et gendarmes, des douaniers, des fonctionnaires et agents des préfectures, sous-préfectures et mairies, des officiers ministériels ou publics tels que les magistrats, les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire, les inspecteurs du travail ou encore les personnes assimilées comme les sapeurs-pompiers, les gardiens d'immeubles ou agents exerçant des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d'habitation.

Une personne chargée d'une mission de service public (PCMSP) accomplit, sans être dépositaire de l'autorité publique, volontairement ou sur réquisition des autorités, un service d'intérêt public . La jurisprudence enrichit régulièrement cette catégorie qui regroupe notamment les enseignants, les agents d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs, les experts nommés par la Justice ou encore les agents de surveillance de la voie publique (ASVP).

Les investigations policières permettent la mise en cause d'individus entrainant, du point de vue policier, l'élucidation de certains faits. À partir des procédures des faits élucidés en 2016 et 2017 et de l'analyse des natures d'infractions6 retenues par les policiers et gendarmes, cette étude s'attache à présenter quelques éléments de profil concernant les personnes mises en cause par les forces de sécurité pour des infractions de violences commises à l'encontre des PDAP ou PCMSP tels que les meurtres, les violences ou encore les embuscades et les actes de rébellion.

Plus de 35000 mises en cause pour violences contre les PDAP et les PCMSP sur deux ans

À partir des faits élucidés en 2016 et 2017 sur l'ensemble du territoire français, les services de police et les unités de gendarmerie ont interpellé et mis en cause 35 420 personnes pour des faits de violence perpétrés à l'encontre des PDAP et PCMSP.

Un peu plus d'une victime sur trois était dépositaire de l'autorité publique

Les actes de rébellion sont définis à l'article 433-6 du Code pénal comme le fait d'opposer une résistance violente à l'égard d'agents publics tels que les PDAP et les PCMSP, agissant dans l'exercice de leurs fonctions, pour l'exécution des lois, des ordres de l'autorité publique ou encore des décisions ou mandats de justice. Par ailleurs, le Code pénal définit en son article 222-15-1 comme constituant une embuscade , le fait d'attendre une PDAP ou certaines PCMSP (sapeur-pompier civil ou militaire ou un agent d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs) dans le but caractérisé par un ou plusieurs faits matériels de commettre à son encontre, à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, des violences avec usage ou menace d'une arme.

Le fait que ces infractions pointent spécifiquement les cas de violence commis à l'égard des personnes ayant la qualité de dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, nous a poussé à inclure ces types d'infraction dans notre champ d'étude.

Au sein des procédures élucidées en 2016 et 2017, près de 34 % des victimes étaient dépositaires de l'autorité publique. Ainsi, 12 076 individus ont été mis en cause en 2016 et 2017 pour des violences (autres que la rébellion et l'embuscade) perpétrées contre les PDAP, tandis que 11 670 l'ont été pour des faits commis contre des PCMSP (33 %). Enfin 11 674 personnes ont été mises en cause pour embuscades ou actes de rébellion, soit 33 % des MEC de notre échantillon [1].

Figure 1 : personnes mises en causes pour violences selon la qualité de la victime

personnes mises en causes pour violences selon la qualité de la victime

Lecture : Les effectifs et pourcentages présentés pour les PDAP et les PCMSP reposent sur l'analyse des infractions de violences en dehors de la rébellion et de l'embuscade qui peuvent avoir pour victimes des PDAP ou des PCMSP.

Champ : MEC pour violences contre les PDAP ou PCMSP en 2016 ou 2017 (n=35 420)

Source : SSMSI – Bases des personnes mises en cause en 2016 et en 2017

Un nombre de mis en cause qui varie selon la taille de l'unité urbaine

D'un point de vue territorial, l'unité urbaine de Paris est celle dans laquelle il y a eu, en 2016 et 2017, le plus grand nombre de personnes mises en cause pour des violences commises contre les PDAP ou les PCMSP (10 234 MEC, soit 29 %), suivie des unités urbaines de plus de 200 000 habitants qui totalisent 9 826 personnes MEC (28 %). On constate que ce nombre décroît en fonction de la taille de l'unité urbaine. En effet, 18 % des personnes interpellées ont été mises en cause pour des violences commises au sein d'unités urbaines recensant entre 50 000 et 199 999 habitants. Les unités urbaines de 10 000 à 49 999 habitants regroupent près de 11 % du volume total de personnes MEC en 2016 et 2017 pour ce type d'infractions. Par ailleurs, 2 270 personnes ont été mises en cause pour des faits commis dans une unité urbaine de 2 000 à 9 999 habitants. À noter la part non négligeable des communes rurales qui totalisent un peu plus de 6 % des personnes mises en cause pour ce type d'infractions (2 287 individus) [2].

Figure 2 : répartition des violences selon la taille de l'unité urbaine

répartition des violences selon la taille de l'unité urbaine

Champ : MEC pour violences contre les PDAP ou PCMSP en 2016 ou 2017 (n=35 420)

Source : SSMSI – Bases des personnes mises en cause en 2016 et en 2017

Il faut cependant nuancer ces résultats en précisant que le nombre de PDAP et PCMSP varie selon la taille de l'unité urbaine. En effet, si leur nombre par commune n'est pas disponible, il est légitime de penser que les PDAP et les PCMSP sont plus nombreuses dans les grandes unités urbaines.

53 % des personnes interpellées ont été mises en cause pour des violences sans ITT

À partir de l'analyse des intitulés d'infractions retenues par les forces de sécurité, on constate que certains libellés mentionnent la prescription d'une incapacité de travail ainsi que sa durée. Ces éléments ne sont pas renseignés pour un tiers des cas (11 677). Parmi ces procédures, on recense 98 % de personnes mises en cause pour rébellion, soit 11 549 personnes. Il est à noter que les violences commises à l'encontre des PDAP ou PCMSP sont toujours constitutives d'un délit, même en l'absence d'incapacité.

Parmi les procédures élucidées en 2016 et 2017 pour lesquelles ces informations sont disponibles (n=23 743), un peu plus de la moitié concerne des violences n'ayant entrainé aucune incapacité de travail (12 612 cas, soit 53 %). Près de 43 % des personnes ont été mises en cause pour des violences ayant entrainé une incapacité de travail inférieure ou égale à 8 jours (10 252 cas) et 3 % pour des faits suivis d'une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours (638 individus). À noter que parmi l'ensemble des personnes interpellées en 2016 et 2017, un peu moins de 1 % ont été mises en cause pour des violences ayant entrainé la mort de la PDAP ou de la PCMSP (241 cas, soit exactement 0,7 %).

Éléments de profil des personnes mises en cause

Les bases de données mobilisées contiennent certaines informations relatives aux caractéristiques sociodémographiques des personnes mises en cause. Parmi elles figurent le sexe, la tranche d'âge, la nationalité et la situation au regard de l'emploi.

Une surreprésentation des hommes parmi les mis en cause

Les personnes mises en cause pour violences contre les PDAP ou PCMSP sont en grande majorité de sexe masculin (87 %) et ce quelle que soit la cible visée (90 % des MEC pour violences contre les PDAP sont des hommes contre 77 % lorsque la victime est une PCMSP). Les femmes sont donc légèrement plus nombreuses dans les situations d'agressions de PCMSP. Un peu moins d'un quart des MEC pour violences contre les PCMSP sont des femmes contre 10 % dans les cas de violence envers les PDAP. Enfin, parmi les personnes mises en cause pour rébellion ou embuscade, 9 individus sur 10 sont de sexe masculin (93 %).

Des mis en cause plutôt jeunes

Le nombre de personnes MEC pour ce type d'infractions a tendance à diminuer avec l'âge. Sur la totalité de notre échantillon, près de 6 mis en cause sur 10 avaient 25 ans ou moins au moment des faits (20 752 individus, soit 59 %), un quart étaient âgés de 26 à 35 ans, 12 % avaient entre 36 et 45 ans, tandis que 10 % avaient plus de 45 ans.

On constate par ailleurs que moins de 3 MEC sur 10 étaient, au moment des faits, âgés de moins de 18 ans (9 754 MEC, soit 28 %) . Cette proportion est nettement supérieure dans les cas de violences contre les PCMSP, en effet 49 % des MEC étaient mineurs contre 20 % lorsque la victime est dépositaire de l'autorité.

Une majorité de mis en cause de nationalité française

Parmi les personnes mises en cause pour violences contre les PDAP et les PCMSP recensées en 2016 et 2017, 86 % sont de nationalité française (30 510 individus). Lorsque la cible est chargée d'une mission de service public, la proportion de MEC français est légèrement plus élevée (89 % soit 10 386 français pour 11 670 MEC) que lorsque la victime est DAP (86 % soit 10 439 français pour 12 076 MEC). Les ressortissants étrangers ne représentent ainsi que 14 % des personnes mises en cause pour des actes de violences. Cependant la part des ressortissants étrangers est légèrement plus importante pour les actes de rébellion et les embuscades (17 %, 1 989 sur les 11 674 personnes mises en cause).

Un tiers des mis en cause est sans emploi

Parmi les personnes pour lesquelles la profession est renseignée (n=30 986), près de 30 % sont en activité et occupent un emploi (9 399 individus). Un MEC sur trois est actif inoccupé, c'est-à-dire en âge de travailler mais n'occupant cependant pas d'emploi, et 37 % sont inactifs [3].

Figure 3 : éléments de profil des mises en cause pour violences contre les PDAP et PCMSP

éléments de profil des MEC pour violences contre les PDAP et PCMSP

Champ : MEC pour violences contre les PDAP ou PCMSP en 2016 ou 2017 (n=35 420)

Source : SSMSI – Bases des personnes mises en cause en 2016 et en 2017

Point méthodologique

Les bases de données sur les mis en cause transmises par le SSMSI sont établies à partir de données extraites des procès-verbaux dressés par la police ou la gendarmerie. Elles recensent les personnes physiques considérées comme mises en cause par les forces de sécurité. Une personne est mise en cause (MEC) dès lors qu'il existe une procédure comportant son audition par procès-verbal et des indices ou des éléments graves et concordants attestant sa participation à la commission d'une infraction. La notion de MEC au sens policier ne correspond pas à un statut défini par le Code de procédure pénale. Dès transmission de la procédure au procureur de la République, il appartient à celui-ci de matérialiser l'infraction et d'évaluer l'opportunité d'engager des poursuites (art.40-1 du Code de procédure pénale). Bien que les bases regroupent les procédures policières clôturées en 2016 et 2017, les faits peuvent avoir été commis antérieurement. Une personne peut avoir été MEC en 2016 pour des faits commis en 2014 par exemple.

La nomenclature Natinf12 (NATure d'INFraction), élaborée par le ministère de la Justice est utilisée dès lors que l'affaire est poursuivie, la codification Natinf permet de faciliter l'enregistrement d'une procédure, le suivi statistique et l'exécution des peines. Les Natinfs mobilisées pour la réalisation de cette étude sont celles retenues par les forces de sécurité lors de la constatation des faits. Nous avons fait le choix de ne retenir que les Natinfs pour lesquelles la qualité de PDAP ou de PCMSP était clairement mentionnée. Nous avons ainsi exclu les Natinfs mentionnant 1, 2 ou 3 circonstances aggravantes du fait du manque de précision concernant la nature de ces circonstances aggravantes. Nous tenons à ce propos, à remercier la direction des affaires criminelles et des grâces pour son expertise et son aide dans la détermination du champ d'étude.

La classification des catégories socio-professionnelles retenue pour cette étude est celle utilisée par l'Insee. Les inactifs sont par convention les personnes qui ne sont ni en âge d'exercer un emploi ni d'être au chômage (moins de 15 ans, étudiants et retraités ne travaillant pas en complément ou encore les personnes en incapacité de travailler). Les actifs occupés concentrent les personnes de 15 ans ou plus ayant travaillé (ne serait-ce qu'une heure) au cours d'une semaine de référence. Enfin, la catégorie des actifs inoccupés est composée des personnes en âge de travailler mais n'exerçant aucun emploi.

Bibliographie

  • Jobard F. (2012) « Les infractions à dépositaires de l'autorité publique sont-elles des actes politiques ? Essai de méthodologie critique ». La politique sans en avoir l'air, Presses Universitaires de Rennes.
  • Jobard F. et Névanen S. (2007) « La couleur du jugement. Discriminations dans les décisions judiciaires en matière d›infractions à agents de la force publique (1965-2005) », Revue française de sociologie Vol. 48.
  • Jobard F. et Zimolag M. (2005) « Quand les policiers vont au Tribunal. : Analyse d'un échantillon de jugements rendus en matière d'infraction à personnes dépositaires de l'autorité publique dans un TGI parisien (1965-2003) », Études & Données Pénales, CESDIP.
  • Mucchielli L. (2008) « Une société plus violente ? Une analyse socio-historique des violences interpersonnelles en France, des années 1970 à nos jours », Déviance et Société n°32, p. 115-147.
  • Rassat M.L. (2011) « Droit pénal spécial, infractions du Code pénal », Dalloz, 6e édition.

Notes

  • 1. Pour en savoir plus, voir l'ouvrage de F. Jobard (2012) ou encore celui de L. Mucchielli (2008). Cf. Bibliographie
  • 2. Pour des violences ayant entraîné la mort, la peine est portée de 15 à 20 ans de réclusion criminelle (art. 222-7 et 8 du Code pénal). La peine de 3 ans de prison et 45 000 euros d'amende encourue pour des violences avec incapacité totale de travail supérieure à 8 jours, est portée à 5 ans et 75 000euros d'amende (art. 222-11 et 12 du Code pénal).
  • 3. Il est cependant important de préciser que tous les fonctionnaires ne sont pas des dépositaires de l'autorité publique
  • 4. Définition extraite de la Circulaire générale d'application du code pénal du 14 mai 1993.
  • 5. Voir Point méthodologique
  • 6. Voir Point méthodologique
  • 7. L'embuscade est punie de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Lorsque les faits sont commis en réunion, les peines sont portées à 7 ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende
  • 8. D'autres chercheurs tels que Jobard (2012) ont également fait le choix d'inclure les rébellions dans le champ des infractions aux personnes dépositaires de l'autorité publique (IPDAP)
  • 9. Notons qu'une étude de Jobard F. et Zimolag M. (2005) évoque des pourcentages similaires concernant les mineurs poursuivis pour outrages, rébellions et violences entre 1965 et 2003, 50 % des prévenus avaient moins de 22 ans et 25 % étaient mineurs.
  • 10. Rappelons que 28 % des MEC pour ce type d'infractions entre 2016 et 2017 étaient mineurs au moment des faits.
  • 11. Glossaire du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI)