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Le garde particulier dans la sécurisation des espaces ruraux et péri-urbains

Le contenu de cette page a été écrit et publié sous la direction de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) qui a rejoint l'Institut des hautes études du ministère de l'Intérieur (IHEMI) le 1er janvier 2021. Il était important pour la direction de l'IHEMI de conserver l'ensemble du contenu de l'INHESJ, qui constitue désormais la mémoire de l'institut.

Le garde particulier dans la sécurisation des espaces ruraux et péri-urbains
24jan.20

Les gardes particuliers ne disposent d’aucun pouvoir de police administrative, mais leur statut et leurs pouvoirs en font des partenaires de premier ordre pour les forces de sécurité, notamment en zone rurale. Article de Bertrand Pauvert, issu des Cahiers de la sécurité et de la justice n°45.

Si la méconnaissance du garde particulier par les spécialistes de la sécurité est certaine, l’institution n’en est pas moins cardinale dans les espaces ruraux. Nul paradoxe à cela si l’on veut bien considérer que les enjeux de sécurité suivent les populations et que celles-ci sont aujourd’hui essentiellement urbaines et métropolitaines… Et pourtant ! Traiter de la ruralité et de la sécurité ne saurait faire l’impasse sur ce personnage trop méconnu.

Lointain héritier de l’Ordonnance sur les eaux et forêts de Colbert (1669), le garde particulier fut consacré par le décret du 20 messidor an III 1 et le Code des délits et des peines (1795). Figure du monde rural, véritable « garde champêtre privé », il traversa le XIXe siècle en contribuant à y faire régner l’ordre dans les campagnes : dans Le château de ma mère, c’est un garde particulier qui interpelle la famille Pagnol lors de son passage sans autorisation sur des propriétés privées le long du canal… Rude description faite par l’écrivain : « un être méchant et obtus, au service d’un particulier mais utilisant les pouvoirs que lui donne la loi pour affirmer sa puissance 2 ». Cela n’empêcha pas le garde de conserver son statut et poursuivre son activité jusqu’à nos jours, consacré par les dispositions de l’article 29 du Code de procédure pénale (CPP) : « Les gardes particuliers assermentés constatent par procès-verbaux tous délits et contraventions portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde » ; statut refondu en 2006 par la clarification d’un droit assez imprécis et parfois obsolète 3. Cette permanence des gardes particuliers étant sans doute justifiée par le fait, qu’aujourd’hui comme hier, ils répondent à un besoin réel ; preuve en est le fait qu’ils sont près de 60 000 à exercer quotidiennement ces fonctions 4.

Les gardes particuliers ne disposent d’aucun pouvoir de police administrative et ne se voient pas attribuer de compétences en matière de sécurité. Pour autant, leur statut et leurs pouvoirs ainsi que la connaissance des espaces sur lesquels ils interviennent en font naturellement des partenaires de premier ordre pour les forces de sécurité ; particulièrement en zone rurale. En effet si la gendarmerie nationale doit « assurer la sécurité publique et l’ordre public, particulièrement dans les zones rurales et périurbaines », l’évolution de son implantation, contrainte par les évolutions budgétaires et opérationnelles, relativise sa capacité à exercer pleinement ses missions. Le maillage territorial des brigades, force historique de la gendarmerie, s’est considérablement réduit, passant de 4 500 en 1934, à 3 500 en 2008 5 et seulement 3 100 aujourd’hui 6. Si cette évolution se justifie sans doute par la diminution du nombre de personnes vivant dans les espaces ruraux, elle n’en a pas moins pour effet de diminuer substantiellement la présence des forces de l’ordre dans ces territoires.

Vouloir assurer la sécurisation de tous les territoires et spécialement des vastes espaces ruraux dont les habitants se sentent aujourd’hui délaissés, voire abandonnés par les pouvoirs publics 7, suppose une mobilisation de tous sur les questions de sécurité ; il est donc de l’intérêt des forces de sécurité d'utiliser et valoriser toutes les ressources humaines permettant d’optimiser la sécurisation des territoires. La mise en place de dispositifs de vigilance citoyenne dans les campagnes s’inscrit dans cette perspective ; ainsi en est-il des « voisins vigilants » ou des « chasseurs vigilants » dans l’Oise 8. Sous cet angle, l’intérêt de la participation des gardes particuliers aux missions de sécurité se vérifie pleinement et c’est bien ce qui a conduit le ministère de l’Intérieur à signer avec la principale association professionnelle de gardes une convention visant à organiser leur collaboration avec les forces de l’ordre aux missions de sécurité, car il s’agit ainsi d’assurer : « une meilleure insertion des gardes particuliers dans le maillage territorial de la sécurité […] [et] in fine, améliorer la sécurité générale de la population 9 ». En effet, le statut et les pouvoirs des gardes, hérités de la ruralité, présentent un intérêt renouvelé quant à leur emploi en matière de sécurité.

Un statut hérité de la ruralité

Les gardes particuliers ont traversé révolutions, guerres et conflits, du XIXe au XXIe siècle, sans qu’aucun régime ne les remette en cause, offrant à nos contemporains un outil adapté aux spécificités d’un monde rural qui correspond encore aujourd’hui aux espaces les plus vastes de la France. Acteurs du monde rural, les gardes bénéficient de pouvoirs substantiels résultant d’un statut séculaire ; pouvoirs leur permettant d’accomplir les missions qui leur sont confiées.

La condition des gardes particuliers

Les gardes particuliers bénéficient d’un statut ad hoc, hérité de l’Histoire et connaissant de nombreuses spécificités. D’abord, c’est en vertu de son commissionnement par un propriétaire qu’une personne peut envisager de devenir garde ; il devra ensuite, à l’issue de sa formation, recevoir l’agrément de l’administration et prêter serment. Alors seulement, il pourra exercer les pouvoirs de police judiciaire conférés par le Code de procédure pénale.

C’est le commissionnement qui fonde l’activité et les pouvoirs du garde. Il s’agit d’un accord de volontés entre deux personnes, d’un contrat 10, qui, curiosité notable, trouve sa source dans le Code de procédure pénale ; un contrat qui peut être défini « comme l’acte par lequel une personne physique ou morale, de droit public ou de droit privé – le commettant –, confie à une autre – le garde commissionné –, la mission de surveiller sa propriété 11 ». Commissionné, le garde n’est pas encore, à cet instant, prêt à exercer ses fonctions, il ne pourra le faire qu’après que l’Administration aura vérifié l’aptitude morale du candidat en l’agréant. Les conditions matérielles de cet agrément sont définies aux articles R. 15-33-25 et suivants CPP. C’est au commettant qu’il appartient de former la demande d’agrément au préfet. Outre les éléments d’identification personnels classiques du futur garde et son attestation d'aptitude technique, cette demande doit comporter la preuve du droit de propriété du commettant et la délimitation géographique précise l'espace sur lequel s'exercera la commission donnée 12.

L’agrément est d’autant plus nécessaire que le garde disposera, à l’appui de la mission qui lui est confiée, d’un pouvoir de police judiciaire, à l’instar des autres officiers et agents de police judiciaire. Qu’une personne privée bénéficie de telles attributions n’est pas totalement inconnu du droit français. Il est vrai qu’ordinairement cette possibilité n’existe qu’en cas d’urgence et spécialement en l’absence des autorités et agents de la force publique traditionnellement missionnés à cet effet 13 ; il ne s’agit alors que d’une intervention subsidiaire à celle des forces publiques, simplement conditionnée par l’urgence et la nécessité. Or, telle n’est pas la situation des gardes particuliers auxquels la loi reconnaît un pouvoir positif et effectif de police judiciaire ; situation unique dans tout le droit français 14.

Constater la réalité d’infractions et dresser des procès-verbaux ne peut qu’être le fait de personnes régulièrement agréées à ces fonctions et ainsi « l’agrément sera précédé d’une enquête administrative destinée à vérifier que l’intéressé répond aux exigences (d’honorabilité et d’indépendance…) prévues à l’article 29-1 du CPP. Cet agrément correspond à une autorisation, non pas à une faveur ou une dérogation, ce qui signifie, par voie de conséquence, que le refus d’agrément doit être motivé 15 ». Attaché à la surveillance et la protection des propriétés qui lui sont confiées, le garde pourra être l’objet de l’ire de braconniers, délinquants divers ou voisins agressifs ; or, agent de police judiciaire, il dispose de la protection fonctionnelle et ses agresseurs sont passibles des sanctions visant l’atteinte aux personnes chargées d’une mission de service public ou dépositaires de l’autorité publique.

Commissionné et agréé, le garde particulier devra en outre prêter serment devant le tribunal d’instance avant d’exercer ses missions.

Les missions des gardes particuliers

Comme le relève Sylvie Marguerite Ducret, « la garderie particulière est tournée vers la protection des intérêts particuliers c’est-à-dire des intérêts individuels sur des biens, distincts du bien commun, intrinsèquement liés aux seules propriétés gardées par opposition aux forces de polices publiques, étatiques ou territoriales, agissant pour servir l’intérêt général ou des intérêts communs indistincts touchant à la protection des biens en général, à celle de toutes les personnes et à l’ordre public 16 ». Dès lors, par sa seule présence, le garde effectue une surveillance humaine des territoires, ce qui en fait un acteur à la fois de la ruralité et de la protection de l’environnement.

Si les missions des gardes sont assurément multiples, ce dont témoigne la diversité de leurs appellations 17, elles restent, prioritairement, attachées à la ruralité dont les gardes sont des acteurs privilégiés. Connaissant les territoires dans lesquels ils interviennent, leurs propriétaires, leur faune et leur flore, les gardes particuliers sont à même de faire respecter les règles gouvernant leurs usages dans ces vastes espaces souvent faiblement peuplés et encore plus furtivement surveillés par les forces de l’ordre ; ils sont des acteurs privilégiés de la ruralité, tout à la fois représentants de l’ordre public et de la propriété. Leur connaissance des espaces confiés à leur surveillance en fait des collaborateurs sollicités aussi bien par les particuliers que par les acteurs publics ; qu’il s’agisse de lutte contre le braconnage, de la surveillance et du constat des évolutions marquant faune et flore (présence d’espèces invasives, de maladies…). La diminution des effectifs publics attachés à ces missions rend la présence des gardes indispensable aux administrations publiques chargées de ces questions. Au-delà, il est assez fréquent que les gardes et leurs fédérations se voient confier par les administrations et les collectivités des tâches directement liées à l’exécution de missions de service public ; cela est d’ores et déjà le cas pour de nombreuses fédérations de pêche associées, par convention, à des actions de conservation et de protection de l’environnement. Si de tels usages sont d’abord le fruit de l’expérience, de bonnes pratiques, de connaissance et de respect entre acteurs de terrain (privés ou publics), leur réussite témoigne de relations de confiance nouées entre tous.

De la surveillance des biens à celle des espaces, y compris publics, il n’y a qu’un pas que le caractère flou des dispositions de l’article 29 du Code de procédure pénale a permis de franchir. Les pouvoirs des gardes et leur connaissance du terrain en font des acteurs privilégiés de la sécurisation des territoires, ce qui ne devait pas échapper au ministère de l’Intérieur.

Un intérêt renouvelé pour la sécurité

La souplesse des dispositions visant le recours aux gardes a conduit à ce qu’il soit de plus en plus fréquent que des gardes soient commissionnés au-delà de leur sphère initiale de compétence ; ainsi, des gardes particuliers surveillent désormais copropriétés, biens publics ou entreprises et sont même appelés à s’insérer « dans le maillage territorial de la sécurité 18 ». La rénovation du recours aux gardes conduit à envisager leur insertion dans les politiques de coproduction de sécurité.

La rénovation du recours aux gardes

À la fois spatiale et fonctionnelle cette rénovation méconnue fut pourtant entrevue dès le début des années 1970, par une simple revue professionnelle, d’ailleurs du secteur de la sécurité 19. Le garde est « sorti du bois », d’abord, car il est de plus en plus fréquent de le rencontrer dans les espaces urbanisés ou péri-urbains, ensuite, car la souplesse et l’intérêt de son statut ont incité à recourir à lui dans une perspective beaucoup plus large que celle de la simple surveillance de la faune et de la flore.

Le constat de l’essor contemporain du recours aux gardes particuliers en dehors de leurs espaces historiques de prédilection est sans appel. Les gardes particuliers sont de plus en plus fréquemment mobilisés pour des fonctions éloignées de ce qui constituait le cœur des missions de la garderie, à savoir la surveillance des propriétés rurales. Ce mouvement est en pleine expansion, une multitude de nouveaux acteurs ayant en effet aujourd’hui recours à leurs services (collectivités territoriales, établissements publics, offices HLM, entreprises…) en commissionnant comme gardes certains de leurs agents ou en choisissant de faire appel à des gardes extérieurs à leur personnel. Du côté des collectivités publiques, les causes de ce renouvellement résident dans la souplesse du statut dont bénéficient les gardes ainsi que dans leur pouvoir de verbalisation ; ces deux éléments en font des acteurs efficaces dans la perspective d’un développement harmonieux et durable des espaces fonciers des collectivités. Dans les espaces urbains et péri-urbains, le recours de plus en plus fréquent par les collectivités territoriales au commissionnement de certains de leurs agents comme gardes particuliers s’inscrit dans une volonté d’assurer une surveillance efficace des vastes espaces relevant de leur domaine.

Les entreprises opèrent un constat identique et cela a pu notamment conduire EDF à solliciter l’agrément comme gardes de centaines de ses agents, quand l’ensemble des sociétés d’autoroutes en commissionne autant. Le flou des dispositions relatives aux gardes favorise cette évolution, nul texte ne précisant que leurs missions seraient limitées aux propriétés rurales et à leurs produits ; attachés à la surveillance des propriétés, ils le sont à celles-ci dans leur globalité, publique ou privée, meuble ou immeuble… D’ailleurs, le refus préfectoral d’agréer un garde à la demande d’EDF s’est vu annulé par le juge qui releva « que la société ERDF pouvait, sur le fondement des dispositions précitées du Code de procédure pénale, lui demander d’agréer un de ses agents comme garde particulier sans qu’ait d’incidence la circonstance que le domaine de compétence particulier d’ERDF n’ait pas été mentionné par le décret du 30 août 2006 relatif aux gardes particuliers assermentés 20 ». Les enjeux liés à l’usage des propriétés immobilières ont également renouvelé le recours aux gardes. Débutant dès les années 1960, le commissionnement de gardiens ou concierges par les organismes d’habitat social s’est étendu depuis quinze ans 21 et ce mouvement s’observe encore au sein des copropriétés où ce dispositif offre des possibilités d’intervention intéressantes au profit des copropriétaires et du syndic 22.

Général, ce mouvement est attesté par le ministère de l’Intérieur 23 et ce sont bien des enjeux de sécurité qui justifient l’extension du recours aux gardes particuliers ; leur insertion dans la coproduction de sécurité doit donc être envisagée.

Leur insertion dans la coproduction de sécurité

Si la volonté de lutter contre les incivilités du quotidien nourrit la rénovation du recours aux gardes particuliers, la présence de ceux-ci dans de grands espaces dont sont fréquemment absents les forces de l’ordre et le poids juridique de l’assermentation qui est la leur alimentent l’interrogation quant aux modalités de leur insertion dans la coproduction de sécurité.

Commissionnés ordinairement à la surveillance des chasses, des forêts et des espaces de pêche, les gardes sont bien souvent les seuls à posséder la connaissance de vastes étendues rurales dont la densité est aujourd’hui extrêmement faible et également les seuls à patrouiller dans ces zones. Tous les acteurs publics de la sécurité dressent ce constat et reconnaissent les gardes particuliers comme des acteurs à part entière de la sécurité en zone rurale. Comme l’observe le Chef d’escadron Thomas Lallemand, « la coopération entre les gardes particuliers et la gendarmerie existe déjà sur le terrain dans le cadre des relations avec les militaires des unités territoriales. Ces gardes disposent d’une bonne connaissance de leur environnement. Ils peuvent ainsi notamment détecter des situations anormales et transmettre des informations à la gendarmerie qui intervient alors en appui de leur action 24 ». D’ailleurs, c’est bien cette situation qu’acte la convention signée en 2016 entre le ministère de l’Intérieur et la principale association de gardes. Sans modifier aucune règle ou en créer de nouvelles, elle vise à favoriser et formaliser les rapports entre des acteurs qui, bien qu’ayant des missions et des pouvoirs différents, apparaissent complémentaires dans la perspective d’une sécurisation globale d’espaces ruraux que les forces publiques de sécurité sont aujourd’hui matériellement incapables de surveiller et protéger.

Ayant une dimension incitative, la convention vise à « assurer une meilleure insertion des gardes particuliers dans le maillage territorial de la sécurité, permettre une meilleure connaissance mutuelle […], sensibiliser les forces de sécurité de l’ sur les capacités juridiques des gardes particuliers, lesquels peuvent constituer des relais de terrain fiables, in fine d’améliorer la sécurité générale de la population 25». Adoptée sous l’égide de la Délégation aux coopérations de sécurité, la convention vise à développer des échanges d’informations opérationnelles ; et comme le relève le Colonel Marboutin de la Délégation, si elle « ne revêt pas de caractère obligatoire et qu’il revient aux échelons locaux le soin de les formaliser en fonction des besoins qu’ils auront identifiés », elle n’en a pas moins commencé à produire des effets 26.

Ces succès, réels, ne doivent toutefois pas masquer certaines lacunes affectant le monde des gardes particuliers et obérant leur pleine insertion dans le modèle de sécurité. D’une part, le paysage de la garderie particulière est très éclaté, jusque dans sa représentation syndicale et qui plus est, très hétérogène dans ses compétences et sa professionnalisation… Il existe de ce fait quasiment autant de situations locales diverses que de gardes particuliers, ce qui ne facilite pas l’essor d’un cadre de relations homogène sur l’ensemble du territoire. D’autre part, le périmètre juridique de la garderie connaît également certaines limites. L’absence de formation continue des gardes après leur agrément peut être mentionnée, de même que le caractère assez limité de leur formation initiale 27. En outre, le fait que ces gardes ne disposent pas d’une tenue spécifique ni ne puissent être armés nuit certainement à leur identification et leur reconnaissance 28 ; sans compter que l’exercice de leurs missions sur des territoires étendus d’où sont absentes les forces de l’ordre n’est pas sans risque 29.

Dans l’ombre de sa méconnaissance, le garde particulier est passé, sans que son statut n’ait jamais été modifié, d’une simple surveillance de la ruralité à une inscription dans la sécurisation des territoires. Si cette évolution ne conduit pas nécessairement à faire du garde particulier « le » modèle pour la sécurité collective de demain – ne fût-elle que rurale –, elle justifie d’apporter une attention soutenue et renouvelée à la situation et aux pouvoirs de ces gardes. Si la ruralité est sans doute notre passé, elle resterait encore parfois notre actualité.

 


 

Article issu du n°45 des Cahiers de la sécurité et de la justice.

Citer cet article : PAUVERT B., « Le garde particulier dans la sécurisation des espaces ruraux et péri-urbains », Cahiers de la sécurité et de la justice n°45, INHESJ / La Documentation Française, 2019.

Notes

  1. « Tout propriétaire aura le droit d’avoir pour ses domaines un garde champêtre », art. 4 du décret du 20 messidor an III ordonnant l’établissement de gardes champêtres dans toutes les communes (14 juil. 1795).
  2. Jean-François Tanguy, « Une figure oubliée du monde rural : le garde particulier des châtelains de l’Ille-et-Vilaine sous la IIIe République », Histoire & sociétés rurales, 2015/2 (vol. 44), p. 27.
  3. Loi n° 2005-157 du 23 févr. 2005 relative au développement des territoires ruraux (JO du 24, p. 3 072), décret n° 2006-1100 du 30 août 2006 relatif aux gardes particuliers assermentés (JO du 1er sept., p. 13 048) et arrêté du 30 août 2006 relatif à la formation des gardes particuliers et à la carte d’agrément (JO du 1er sept., p. 13 050) ; v. Annie Charlez, « Le statut des gardes particuliers », Faune sauvage, 2007, n° 275, p. 38-44.
  4. La convention de partenariat signée en 2016 entre le ministère de l’Intérieur et des représentants des gardes en mentionnait 55 000 ; circulaire NOR INTK1607204C du 14 mars 2016 relative au partenariat entre le ministère de l’Intérieur et les gardes particuliers assermentés (CFGPA), p. 2.
  5. Jean Faure et alii, Quel avenir pour la gendarmerie ?, rapport d’information n° 271, Sénat, 10 avr. 2008, p. 22.
  6. Commission de la défense nationale et des forces armées, audition du général Richard Lizurey, directeur général de la Gendarmerie nationale, Ass. nat., 10 oct. 2017, www.assemblee-nationale.fr/15/cr-cdef/17-18/c1718007.asp.
  7. « France ruralen élément symptomatique, il est de moins en moins question de la « France rurale », mais bien de la « France périphérique », laquelle intéresse peu : v. Christophe Guilluy, La France périphérique, Flammarion, 2015. Le terme de « France périphérique » est d’ailleurs en soi profondément révélateur ; cette France est périphérique aux métropoles, aux centres urbains, qui sont les lieux de vie, de développement, de savoir et de pouvoir, bref à ces espaces où vit l’essentiel des « décideurs » … et de ce qui doit être protégé. En atteste encore la naissance du mouvement des « Gilets Jaunes ».
  8. Ces deux dispositifs sont des déclinaisons des dispositifs de participation citoyenne expérimentés depuis 2007 et généralisés par la circulaire du 22 juin 2011 et mis en place dans les communes par les maires avec l’appui de la gendarmerie et de la police nationales. Ces dispositifs sont également mentionnés par le rapport La sécurité partout et pour tous, annexé à la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (JO du 15, p. 4582). De tels dispositifs, en 2018, étaient actifs dans près de 3 300 communes de la zone gendarmerie. Sur le dispositif « Chasseurs vigilants », v. la Convention signée le 21 mars 2017 entre la fédération départementale des chasseurs de l’Oise et le groupement de gendarmerie : www.oise.gouv.fr/Actualites/2017/Signature-de-la-convention-Chasseurs-vigilants-dans-l-Oise.
  9. Art. 1er de la convention de partenariat du 3 mars 2016 entre le ministère de l’Intérieur et la Confédération française de gardes particuliers assermentés (CFGPA) ; circ. NOR INTK1607204C préc.
  10. Si l’histoire a fait de l’intervention du garde une action le plus souvent bénévole, il est assez fréquent que ses missions soient inscrites dans une relation contractuelle de travail.
  11. Véron (P.), 2019, « Le commissionnement du garde particulier », in Pauvert (B.), Rambour (M.) (dir.), Le garde particulier, entre ruralité et sécurité, un acteur au service des territoires, Fondation Varenne, p.175.
  12. Cette aptitude sera reconnue par un arrêté du préfet (art. R. 15-33-26 du Code de procédure pénale). Le contenu et les modalités de la formation sont fixés par l’arrêté du 30 août 2006 relatif à la formation des gardes particuliers et à la carte d’agrément (JO du 1er sept., p. 13 050) ; il s’agit de connaissances sur le droit et la procédure pénale, la déontologie et les techniques d’intervention et d’éléments techniques en matière de chasse, pêche, police forestière ou du domaine public routier. L’arrêté précise encore les catégories de personnes pour lesquelles une formation n’est pas exigée (anciens policiers – y compris municipaux –, gendarmes et militaires).
  13. Ainsi en est-il du droit à la légitime défense (art. L. 122-5 du Code pénal) ou de la possibilité reconnue à tout un chacun d’intervenir en cas de flagrant délit (art. 73 du Code de procédure pénale).
  14. Aubertin (C.), 2019, « Les fonctions de police judiciaire des gardes particuliers », in Pauvert (B.), Rambour (M.) (dir.), op. cit., p. 191. Même la situation des officiers de Louveterie se distingue de celle des gardes particuliers ; en effet si les Lieutenants de Louveterie disposent également de pouvoirs de police judiciaire, ils sont choisis et habilités par l’administration, à la différence des gardes qui le sont par d’autres personnes privées, v. Scholtus (P.), 2019, « La Louveterie de France, spécificités et perspectives », in Pauvert (B.), Rambour (M.) (dir.), op. cit., p.141.
  15. Faessel (X.), 2019, « L’agrément des gardes particuliers », in Pauvert (B.), Rambour (M.) (dir.), op. cit., p.183.
  16. Ducret (S. M.), 2019, « Unité et diversité des gardes particuliers », in Pauvert (B.), Rambour (M.) (dir.), op. cit., p.90.
  17. Si le Code des délits et des peines de 1795 n’évoquait que les gardes des champs et des forêts, on en connaît aujourd’hui une multitude d’autres et outre les quatre appellations reconnues par la réglementation, on rencontre encore près d’une quinzaine d’appellations de ces gardes, quasiment toutes attachées à la ruralité ainsi qu’à des missions spécifiques, des gardes messiers aux gardes des salines et du fort méconnu garde de batteries militaires (!) aux gardes-digues et oubliés gardes-faisans...
  18. Convention du 14 mars 2016 relative au partenariat entre le ministère de l’Intérieur et la CFGPA, préc.
  19. Chavanne (A.), Montreuil (J.), Truche (P.) et Barnini (Y.), 1972, « Les gardes particuliers », Revue de la police nationale, 1972, n° 90, p. 19.
  20. TA Orléans, 17 mars 2017, SA ERDF, n° 15-04204.
  21. Récemment encore, en mai 2018, Paris Habitat, principal bailleur social de la capitale, assermentait comme gardes une centaine de ses agents : « À Paris, les gardiens d’immeubles peuvent dresser des PV », Guillaume Errard, Le Figaro.fr, 29 mai 2018.
  22. Au-delà de la constatation des infractions pénales, les procès-verbaux dressés par les gardes présentent un intérêt en matière de preuve civile aux fins de faire sanctionner le non-respect du règlement et condamner civilement les auteurs de dommages ; v. Fabrice Maurel, Copropriété immobilière et droit pénal spécial : du particularisme des infractions pénales à l’utilité du garde particulier, Thèse Droit, Nice, 2005.
  23. La direction des Libertés publiques et des Affaires juridiques du ministère de l’Intérieur a réalisé en 2017 une étude attestant de la diversification des missions confiées aux gardes en dehors des espaces ruraux. Cette étude menée à partir des agréments délivrés en 2015 et 2016 témoigne de la baisse du nombre d’agréments délivrés au profit de gardes agissant dans le milieu rural : 85 % des agréments délivrés en 2016 contre 89 % en 2015. L’étude fait également apparaître une diversité toujours plus grande des commettants hors ruralité : hôpitaux, collectivités territoriales, bailleurs sociaux, marchés d’intérêt national, gestionnaires d’autoroutes, ENEDIS...
  24. Lallemand (T.), 2019, « Le garde particulier vu des forces de l’ordre », in Pauvert (B.), Rambour (M.) (dir.), op. cit., p.77.
  25. Convention du 14 mars 2016, préc., art. 1.
  26. Marboutin (C.), « Le garde particulier dans le modèle de sécurité », in Pauvert (B.), Rambour (M.) (dir.), op. cit., p.383; et de mentionner comme exemples concrets d’échanges opérationnels : découverte de véhicules volés, de plants de cannabis par les gardes particuliers, coopération en matière de lutte contre le braconnage avec les agents de l’Office nationale de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et la gendarmerie, prévention des incendies de forêts...
  27. La durée de formation d’un garde est au minimum de 18 h et pourrait monter à 52 h si le garde souhaitait bénéficier d’un agrément valable pour tous les domaines de compétences de police envisagés (chasse, pêche, bois et voirie routière) ; ce volume est à rapprocher des 175 h de formation que doit suivre un agent de sécurité privée, qui disposera de pouvoirs bien moindres…
  28. Concernant les gardes particuliers, la seule exception prévue par l’alinéa 3 de l’article R. 15-33-29-1 du Code de procédure pénale concerne le port d’une arme nécessaire à la destruction des animaux nuisibles ; ces gardes doivent alors être titulaires du permis de chasse, v. Rambour (M.), 2019, « L’armement des gardes particuliers », in Pauvert (B.), Rambour (M.) (dir.), op. cit., p.335.
  29. V. récemment, « Un garde agressé envoyé à l’hôpital », Le Courrier Picard, 28 sept. 2017 ; v. égal. Laurent (W.), 2019, « Le garde particulier victime », in Pauvert (B.), Rambour (M.) (dir.), op. cit., p.219.

Derrière cet article

Bertrand Pauvert En savoir plus

Bertrand Pauvert

Fonction Maître de conférences à l'Université de Haute-Alsace
Discipline Droit