
Cet article a été écrit par Jacques Dallest, procureur général auprès de la cour d'appel de Grenoble. Il est issu du n°52 des Cahiers de la sécurité et de la justice.
Déjà le cold case...
En 1795 à Bois-le-Roi, près de Melun, un terrible massacre est commis dans une maison du village. Un procureur au Châtelet de Paris, le sieur Fumelle, sa femme, ses deux enfants, ses trois domestiques et deux habitants venus faire quelques travaux, sont retrouvés égorgés, baignant dans une mare de sang. Plusieurs victimes se sont manifestement défendues. Leurs mains crispées contiennent des touffes de cheveux. La maison est entièrement pillée. L’émotion est vive dans le village.
Le crime est clairement crapuleux. Le brigandage sévit lourdement dans les campagnes. Les malfaiteurs de tous poils, pilleurs ou « chauffeurs » tortionnaires sèment la désolation. En ces temps troublés, tuer pour voler n’est pas rare.
Malgré les pièces à conviction que constituent les cheveux saisis, la justice ne parvint pas à élucider cette effroyable affaire. Le crime restera impuni. Définitivement. Un cold case du XVIIIe siècle qui en annoncera bien d’autres... 2
Un crime ne naît pas cold case. Il le devient. Mais quel est ce crime ? Que sont les cold cases en réalité ? De quoi parle-t-on ? Comment la justice est-elle interpellée dans son action en la matière ? Et quelles pistes d’amélioration peut-on entrevoir pour mieux traiter ces affaires douloureuses ?
« Où commence le mystère finit la justice » (Edmund Burke)
Affaire non résolue, crime non élucidé, crime parfait, énigme criminelle, affaire classée, cold case, nombreuses sont les appellations utilisées pour évoquer une réalité judiciaire malheureusement trop connue.
Le langage commun définit le cold case comme un crime de sang non élucidé. Mais s’agit-il d’une affaire criminelle toujours en cours ou d’une une affaire clôturée ? Une affaire classée mais encore poursuivable ou une affaire qui ne l’est plus ? On verra que la définition de ce terme anglo-saxon n’est pas simple.
Ne devrait-on pas, plutôt, parler de crime complexe ? D’un crime justifiant de nombreuses et lourdes investigations ? D’un crime difficile, voire impossible à élucider ? Et finalement d’un crime que la société n’est pas parvenue à résoudre au grand désespoir des proches ?
Les crimes complexes doivent être entendus comme les crimes en série, les crimes de sang non résolus (avec découverte de cadavres), les crimes de sang non découverts (cadavres dissimulés et disparitions criminelles de personnes) et les viols de prédation (sans liens antérieurs entre la victime et l’auteur et souvent sériels). Énigmatiques et porteurs d’une forte charge émotionnelle, ils sont malheureusement nombreux.
Tout à la fois drames humains et défis judiciaires, ils questionnent profondément l’appareil répressif et au premier chef la justice.
Comment l’institution judiciaire de notre pays gère-t-elle ces affaires d’un type particulier, les plus graves parmi les nombreuses infractions pénales dont elle a à connaître ? Comment peut-elle progresser dans son approche de cette difficile question ? Le traitement judiciaire des cold cases ne pourrait-il pas être largement amélioré aujourd’hui ?
Entrons dans cet univers sombre avec, au bout du chemin, quelques lueurs d’espoir…
Un crime avant d'être un cold case
Le crime, une cause majeure
Malgré de longues investigations et toute sa détermination, la justice échoue quelquefois à identifier l’auteur d’un crime de sang. Ce constat d’échec est de moins en moins accepté. L’institution judiciaire est sommée d’agir sans relâche et de tout faire pour répondre aux interrogations des victimes.
Cette nouvelle exigence sociétale, que relaient volontiers les médias modernes, n’est pas sans conséquence pour tous ceux qui interviennent dans le processus pénal : enquêteurs, magistrats, avocats, experts. Une obligation de résultat s’impose à eux. Le meurtre doit impérativement être résolu et le meurtrier châtié. À tout prix.
À la demande légitime des proches, dont la souffrance est profonde et durable, doit répondre un engagement fort et constant de la justice. Le meurtre, atteinte suprême à la personne, mérite un traitement judiciaire exemplaire. Quoi de plus grave parmi les multiples contentieux dont la justice est saisie ? Quelle autre infraction pénale justifie-t-elle une mobilisation supérieure de sa part ?
Il faut le rappeler constamment. S’employer à résoudre le crime de sang doit être prioritaire pour les parquets et les cabinets d’instruction, aussi engorgés soient-ils par la masse des affaires dont ils sont saisis. Il y va de la crédibilité de la justice, plus que jamais mise en cause.
Résoudre le crime
Et tout d’abord, qu’est-ce qu’un crime non résolu ? Aucune définition légale n’existe. S’agit-il d’une affaire dans laquelle l’auteur présumé est identifié par les services d’enquête, mais n’a pu être confondu judiciairement faute d’éléments probants ? On parle là d’élucidation policière. Bien incomplète donc et forcément insatisfaisante.
S’agit-il d’une affaire dans laquelle une personne a été mise en examen, mais a bénéficié in fine d’un non-lieu faute de charges suffisantes ? Une élucidation judiciaire à mi-chemin ?
S’agit-il d’une affaire dans laquelle un accusé a comparu devant la cour d’assises, mais s’est trouvé acquitté à l’issue des débats ? Un innocent judiciaire donc.
Plusieurs situations peuvent donc se rencontrer. Les professionnels le savent bien. Il y a loin de la conviction policière à la condamnation judiciaire. C’est ainsi qu’un certain nombre de meurtres n’aboutissent pas à un procès en bonne et due forme.
Deux cas de figure se présentent en effet.
Dans le premier, l’auteur du crime n’est pas découvert malgré l’enquête initiale et l’instruction préparatoire qui s’ensuit, aussi longues et minutieuses soient-elles. Le crime n’est donc pas résolu et l’énigme demeure.
Il ne pourra même jamais être judiciairement élucidé si l’auteur décède avant même d’avoir été jugé.
Ainsi, l’adjudant Pierre Chanal mis en cause dans l’affaire des disparus de Mourmelon, Jean-Pierre Treiber accusé de la mort de Géraldine Giraud et Katia Lherbier ou Yvan Keller, soupçonné du meurtre de très nombreuses vieilles dames se sont donné la mort avant leur procès. Thierry Paulin, lui aussi, inculpé pour l’assassinat de dix-huit dames âgées pour les voler, décède du SIDA durant sa détention provisoire.
Pire, l’auteur peut disparaître avant d’avoir été confondu rendant ainsi le crime insoluble. La plus mauvaise situation et la plus frustrante pour tous.
Dans le second cas, l’auteur présumé des faits est identifié mais, que ce soit au stade de l’enquête, de l’information judiciaire ou du procès pénal, les éléments à charge ne sont pas suffisants pour le déclarer coupable. La simple application des principes de la procédure pénale ô combien difficile à admettre pour la famille de la victime !
Avant d’être condamné, l’auteur du crime suit un cheminement procédural exigeant : suspect, gardé à vue, mis en examen, accusé. Les indices graves ou concordants de culpabilité du début de l’affaire doivent devenir des charges en fin d’instruction. Et ces charges doivent constituer des preuves devant la cour d’assises qui seront appréciées par les jurés 3.
Le crime non résolu emprunte donc plusieurs formes qui complexifient sa compréhension par le grand public. Comment en effet accepter que le meurtrier de son enfant ne soit jamais jugé ? Comment comprendre que le processus pénal ne soit pas parvenu à le condamner ? Défaillances, carences, dysfonctionnements, lenteur, autant de griefs adressés à la justice qui aura bien du mal à s’en expliquer.
Le droit ne résiste pas à l’émotion. La règle procédurale cède devant la souffrance humaine. Le magistrat le sait bien. Il lui est difficile d’exciper de textes et de considérations techniques quand il a face à lui des parents éplorés en quête de réponse au drame terrible qu’ils vivent. Il en sortira perdant. Inévitablement. À lui de le comprendre et d’avoir les mots pour le dire.
Avant d'être un cold case, un crime de sang
Avant d’être un cold case, une affaire criminelle est une affaire le plus souvent ordinaire. Exception faite des grands massacres familiaux (affaires Romand, Flactif, Dupont de Ligonnés, Troadec) et d’homicides multiples hors du commun (affaire du Temple Solaire, tuerie d’Auriol, tuerie de Chevaline), le meurtre ne vise souvent qu’une victime, tuée chez elle ou sur la voie publique, par arme blanche ou arme à feu.
Les règlements de compte entre malfaiteurs échappent traditionnellement à la catégorie des cold cases alors que leur taux de résolution est pourtant faible. La préméditation (le fameux « guet-apens »), l’absence d’indices matériels et de témoins, la loi du silence rendent complexe l’élucidation de ces affaires d’un type particulier (voir infra).
Un crime majoritairement résolu
80 % des homicides sont résolus en France, ce qui démontre que le travail d’enquête est couronné de succès le plus souvent. Ce taux tombe à moins de 10 % au Mexique ou en Amérique du Sud où l’homicide rythme le quotidien, aussi banal que le vol de voiture.
Ce sont donc 20 % des crimes de sang qui sont sans solution, parmi lesquels un certain nombre de règlements de compte dont on sait qu’ils sont structurellement complexes à élucider.
Avec un nombre de meurtres qui oscillent entre 800 et 900 chaque année (hors crimes terroristes), ce sont donc entre 150 et 200 affaires qui n’aboutissent pas. Un stock qui pourrait grossir au fil des années, mais qui se régule en fait par le classement, en parallèle, d’un certain nombre de dossiers que les juges d’instruction ne parviennent pas à élucider. Des entrées certes, mais aussi des sorties définitives mais peut-être aussi provisoires. On le verra plus loin.
Pourquoi l’homicide est-il finalement relativement aisé à résoudre ? Tout simplement parce qu’il est habituellement de proximité. Auteur et victime se connaissent ou entretiennent une relation familiale, amicale, professionnelle ou sociale préalable. C’est cette caractéristique qui permet l’identification du meurtrier, immédiate ou rapide.
« Presque tout se joue au cours des 24 premières heures suivant la perpétration du crime » écrivent à juste titre des criminologues canadiens 4. Ils parlent de « self-solving », l’affaire se résolvant d’elle-même. L’auteur est identifié sans délai. Il est interpellé sur-le-champ ou se constitue prisonnier de lui-même. Les crimes conjugaux relèvent généralement de ce type d’affaires.
Par ailleurs, la scène de crime est souvent bavarde, remarquent-ils. Empreintes digitales ou génétiques, traces de sang, cheveux, empreintes de chaussures etc., nombreuses sont les preuves physiques retrouvées sur les lieux qui conduisent aisément à l’identification de l’auteur. De bons prédicteurs d’élucidation en somme.
La figure du criminel ordinaire est bien connue des criminologues, disent-ils. « Le délinquant est un banal opportuniste, imprévoyant, incapable de se contrôler et présentiste 5». Il est donc facilement identifiable, laissant derrière lui des indices de culpabilité qui le confondent aisément.
De plus, c’est le mobile du crime qui guide son élucidation. Le plus souvent évident, il conduit facilement à l’auteur. Mais si ce mobile reste opaque, il amène les enquêteurs à envisager de multiples pistes, ce qui obère sa résolution. Les cold cases sont des crimes complexes non par leur mode opératoire, mais bien plutôt par l’impossibilité d’en déterminer la raison profonde.
Mais aussi un crime de sexe
Les cold cases sont généralement compris comme des meurtres et des assassinats non élucidés. C’est l’acception la plus courante. Cependant, il convient d’y ajouter l’atteinte grave à l’intégrité physique de la personne que constitue le viol.
Non pas le viol entre proches ou entre personnes unies par un lien de proximité. L’auteur est dénoncé par sa victime qui connaît son identité. Parlons plutôt d’un viol de prédation dans lequel l’auteur agresse sa victime sans qu’aucune relation antérieure n’existe entre eux.
Violeur de rue ou de parking, ce type de prédateur, en quête de proies faciles, s’en prend à des femmes de rencontre. Il y trouve là de quoi assouvir sa pulsion sexuelle, violente et irrépressible.
Celui-ci ne peut que réitérer son acte, étant mû par une pulsion sans cesse renouvelée. Guy Georges, Émile Louis ou Michel Fourniret, ces grands tueurs en série, ont ainsi commencé leur carrière criminelle par des agressions sexuelles violentes, préludes à des passages à l’acte meurtriers ultérieurs.
Le viol de prédation n’est malheureusement pas toujours élucidé ou tardivement, après une série d’agressions qui peut être de longue durée. Arrêté en 2018, le violeur présumé de la Sambre, Dino Scala, doit être jugé pour une quarantaine d’agressions sexuelles dont les premières ont eu lieu à la fin des années 1980.
La plupart des tueurs en série agissent pour des motifs sexuels. Le viol précède le meurtre et en définit le mobile. Il importe donc de travailler activement sur les viols de prédation de façon à mettre hors d’état de nuire un individu au fort potentiel criminel. Et qui peut devenir un assassin compulsif. Eros et thanatos vont de pair en matière criminelle...
Les viols sériels méritent donc de figurer parmi les cold cases au même titre que les homicides contre X.
Quel crime, pour quel cold case ?
Le cold case intéresse le plus souvent un homicide volontaire, c’est-à-dire une atteinte délibérée à la vie d’autrui. D’année en année, le Code pénal français s’enrichit de nouvelles incriminations qui visent à embrasser les situations criminelles les plus diverses. Ces incriminations spécifiques se multiplient en réponse à des demandes sociales elles-mêmes hétérogènes. La réprobation du corps social vis-à-vis d’agissements jugés insupportables trouve sa traduction dans une loi répressive sans cesse renouvelée.
On se trouve donc aujourd’hui dans un maquis de textes répressifs qui peuvent se combiner entre eux pour s’ajuster à la réalité de l’acte et à la motivation de son auteur.
Deux grandes catégories d’incriminations criminelles existent en la matière :
–
les atteintes volontaires à la vie dans lesquelles préexiste l’intention de donner la mort ;
–
les violences mortelles sans intention homicide avérée.
Dans tous les cas, ces incriminations peuvent viser des crimes qui ne seront pas élucidés.
L'homicide volontaire, qualification complexe
Qualification pénale suprême, l’homicide volontaire se décline en meurtre simple ou aggravé.
Le meurtre simple, puni de 30 ans de réclusion criminelle, n’exige aucune circonstance spéciale (article 221-1 du Code pénal). C’est le crime de sang ordinaire sur une personne sans qualité particulière. Accompli sans autre infraction concomitante, non prémédité, il est souvent résolu à peine commis. Il ne constitue donc pas la majorité des cold cases.
Le meurtre de l’ancien ministre Joseph Fontanet, abattu en pleine nuit d’une balle de 11,43 dans une rue de Paris le 1er février 1980, relève-t-il de cette catégorie ? S’agit-il du meurtre gratuit et impulsif d’un passant comme il a été envisagé ou au contraire d’un assassinat organisé ? Cette ténébreuse affaire n’a jamais été élucidée.
Un homicide de rencontre, fortuit, peut ainsi s’avérer difficile à résoudre, faute de mobile apparent lié à la personne de la victime.
Le meurtre aggravé revêt quant à lui des aspects multiples qui en font une incrimination complexe et, par voie de conséquence, le vivier d’un grand nombre de cold cases. Une seule peine est encourue, la réclusion criminelle à perpétuité, quelles que soient les circonstances du crime et leur combinaison.
Le meurtre aggravé, du crime le plus simple au crime complexe
Le Code pénal énumère toute une série de circonstances qui, s’ajoutant au meurtre simple, lui confèrent une gravité supérieure :
1.
Le meurtre avec préméditation : le dessein meurtrier formé avant l’action, le calcul homicide, le guet-apens mortel forment l’assassinat qui se trouve tout en haut de l’échelle pénale (article 221-3 du Code pénal). L’auteur organise son acte et s’efforce d’échapper à la justice par divers moyens : effacement des traces et indices, dissimulation ou destruction du cadavre, etc. L’assassinat présente donc le potentiel d’un cold case. Il peut être le crime parfait, c’est-à-dire, sans mise en cause judiciaire de son auteur.
2.
Le meurtre en concomitance ajoute un crime de sang à un autre crime ou à un délit. Il démontre une dangerosité criminelle accrue et donc appelle une pénalité supérieure, en l’espèce la réclusion à vie (article 221-2 du Code pénal).
En lien avec un autre crime (viol, vol à main armée), le meurtre même d’impulsion précède, accompagne ou suit ce dernier.
C’est le domaine privilégié des grands tueurs en série à la recherche de proies sexuelles qu’ils tuent une fois leur forfait accompli (le viol pouvant même être post-mortem). À défaut d’ADN laissé par l’auteur sur le corps de sa victime, ce type de crime peut être difficilement résolu.
En 1993, en ma qualité de juge d’instruction, j’aurais à connaître du viol et du meurtre par strangulation d’une jeune fille de 16 ans sur les pentes de la Croix Rousse à Lyon. Pas d’ADN à l’époque et donc aucune piste évidente. Vingt-deux ans après, le dossier a été fort heureusement réouvert après la découverte d’une trace biologique susceptible d’être exploitée. Un mince espoir qui fera peut-être de cette terrible affaire un dossier enfin résolu 6.
Une de mes toutes premières affaires criminelles, le meurtre d’une jeune fille en 1984 dans l’Aveyron, m’avait démontré que le hasard ou la chance jouait un grand rôle dans la résolution d’une affaire.
Cette jeune auto-stoppeuse de 19 ans avait été découverte dénudée dans une clairière non loin d’une petite route de campagne. Elle présentait un fort traumatisme crâno-facial provoqué par un objet contondant. La mort était récente. La recherche d’empreintes génétiques n’existait pas à l’époque et ce crime de nature sexuelle aurait pu rester impuni. Mais l’auteur avait involontairement laissé sa signature sur les lieux. Un carton défoncé de salaisons était découvert à proximité. Inscrit au feutre noir, un nom figurait sur ce carton.
Il fut facile d’identifier l’homme, un marchand forain de la région, âgé de 38 ans. Il avait pris en stop la jeune fille et pris d’une pulsion soudaine, il s’était arrêté au bord de la route, l’avait entraînée dans un sous-bois et avait tenté de la violer. Craignant d’être dénoncé, il lui avait asséné plusieurs coups à la tête avec une grosse pierre. Son forfait accompli, il avait fait marche arrière avec son fourgon sans s’apercevoir que la porte arrière était ouverte. Un carton était tombé et il avait roulé dessus sans s’en rendre compte.
Le crime était signé au sens propre du terme Mais il aurait pu ne jamais être résolu si cet indice accablant n’avait pas été découvert. Le grain de sable...
Crimes utilitaires
Parmi les auteurs de crimes concomitants, on y retrouve les malfaiteurs d’habitude qui, par goût de lucre, n’hésitent pas à tuer leurs victimes avant de les dépouiller (commerçants, transporteurs de fonds). La sinistre bande à Bonnot s’est rendue célèbre dans les années 1911 et 1912 pour ce type d’agissements en série. Le tueur en série Thierry Paulin supprimait les femmes âgées dont il volait le peu d’argent qu’elles détenaient à leur domicile.
Isolé, ce type d’acte qui mêle deux intentions criminelles (sexuelle ou crapuleuse et homicide) peut s’avérer difficile à solutionner. J’ai en mémoire plusieurs affaires de ce type que j’ai instruites à Lyon et que je ne suis pas parvenu à résoudre.
Le meurtre peut aussi être en lien avec un simple délit qu’il va préparer ou faciliter. Ainsi, le cambriolage d’une maison qui aboutit à la mort de l’occupant des lieux. Là encore, un terrain propice au cold case faute d’éléments biologiques laissés par l’auteur, surtout si ce dernier a agi seul. Combien de crimes ont-ils été élucidés parce qu’ils ont été perpétrés par plusieurs auteurs ? Un duo ou un trio meurtrier laisse espérer une solution judiciaire satisfaisante grâce aux aveux de l’un de ses membres.
Tuer seul peut être un gage d’impunité à condition de ne pas avoir son profil génétique dans le fichier du même nom.
3.
Le meurtre pour favoriser la fuite ou assurer l’impunité de l’auteur est également considéré comme aggravé. Le désir d’impunité anime maints criminels, voleurs, violeurs qui ne souhaitent pas être reconnus par leurs victimes. Agissant à visage découvert pour faciliter leur méfait, ils ne peuvent escompter le silence de celles-ci et s’emploient à les faire taire. Les menaces de représailles ne suffiront pas. À leurs yeux, le meurtre sera l’assurance du silence. Cette seule considération explique un certain nombre d’homicides « utilitaires » et donc pas toujours simples à résoudre pour peu que l’auteur n’ait pas laissé de traces et indices sur la scène de crime.
Les victimes du crime : enfants et parents
4.
Le meurtre aggravé par diverses circonstances liées à la personne de la victime ou de l’auteur est le plus fréquemment rencontré, tant ces circonstances sont nombreuses (article 221-4 du Code pénal). La qualité de la victime qualifie le meurtre. C’est donc elle qui va déterminer les suites judiciaires et donc la résolution potentielle de l’affaire.
La minorité de 15 ans est l’une de ces circonstances particulières. Le spectre criminel est large. Il va de l’infanticide du nouveau-né au meurtre de l’enfant enlevé à des fins sexuelles ou non. Le meurtre familial qui vise les enfants du père ou de la mère en proie à un épisode mélancolique ressortit également à cette triste catégorie.
Pas de cold case le plus souvent, car l’auteur est aisément identifié puisque uni par un lien familial avec la victime. Mais l’affaire ne sera pas jugée si le parent meurtrier a mis fin à ses jours, ce qui est fréquemment le cas. La dépression, le désespoir, la vengeance contre le conjoint conduisent le plus souvent à cet acte fatal qui peut être largement prémédité.
Je pense là au meurtre en 2011 des deux petites jumelles, Livia et Alessia, âgées de 6 ans, un drame atroce que j’aurai à connaître. Pris d’une haine irrépressible vis-à-vis de son épouse avec laquelle il était en instance de séparation, leur père, un ingénieur suisse, part en les emmenant avec lui et leur donne la mort d’une façon qui demeure toujours mystérieuse. Parti de Lausanne, il gagne en voiture Marseille d’où il prend le bateau pour la Corse. Il se suicide quelques jours plus tard en se jetant sous un train en Italie. Les enfants ne seront jamais retrouvées malgré d’intenses recherches. Geste terrible que le père revendique avec cynisme dans une lettre adressée à l’épouse. Les a-t-il tuées, empoisonnées, jetées à l’eau ? Les enquêtes suisse, française et italienne ne sont malheureusement pas parvenues à répondre à cette terrible question. Une interrogation qui fait de cette affaire un drame marquant.
S’ils sont habituellement résolus quand ils sont commis dans la sphère familiale, certains crimes d’enfant restent impunis. Nouveau-né abandonné sur la voie publique ou jeté dans une poubelle, jeunes enfants enlevés et tués (comme les enfants disparus de l’Isère dans les années 1980 et dont les dossiers sont toujours en cours à Grenoble) ou enfant en bas âge maltraité à mort dont on se débarrasse.
La petite martyre de l’A10, découvert sur le bas-côté, dans le Loir et Cher en 1987, a été ainsi identifiée plus de trente ans plus tard. Ses parents ont été interpellés en 2018, preuve qu’une affaire aussi ancienne peut connaître un dénouement positif.
Le parricide, c’est-à-dire le meurtre d’un ascendant légitime, naturel ou adoptif fait encourir également la perpétuité. Ce n’est qu’après la découverte de l’auteur et de son lien familial avec la victime que l’affaire sera ainsi qualifiée. Mais l’auteur du meurtre du père peut tout aussi bien rester inconnu. Si le fils ou la fille meurtrière ne s’est pas dénoncé, ce qui est rare en réalité, l’enquête ne pourra pas faire l’économie de la piste familiale, conjoint ou enfant. On le sait, les plus grandes haines sont dans les familles...
Les victimes du crime : professions et situations
La vulnérabilité de la victime (par l’âge, la maladie, l’infirmité, l’état de grossesse), si cette vulnérabilité est apparente ou connue de l’auteur, est également prise en compte par le législateur comme un élément d’aggravation de la qualification pénale.
Cette circonstance est de nature à faciliter l’acte homicide. Le meurtre d’une personne âgée à des fins crapuleuses n’est malheureusement pas rare. En 1988 et 1990, j’ai instruit deux affaires de ce type à Lyon, hélas, en vain, aucun élément n’étant probant. La relative solitude dans laquelle vivaient ces deux retraités dans leur domicile respectif était le point commun de ces deux affaires, devenues des cold cases définitivement refermés.
Le personnel de l’autorité publique ou exerçant une mission de service public (magistrat, juré, avocat, notaire, huissier, gendarme, policier, surveillant de prison, douanier, pompier, personne d’un établissement scolaire, professionnel de santé, agent de transport public et gardien d’immeuble) est protégé par la loi pénale. Donner volontairement la mort à l’une de ces personnes protégées aggrave la sanction pénale. Et tuer les proches de ces personnes en raison de leurs fonctions fait également encourir la peine maximale.
Vaste palette qui n’a qu’une exigence : que l’acte meurtrier soit clairement en relation avec le métier ou la qualité de la victime. Démontrer cet élément n’est pas chose aisée. Il est nécessaire de déterminer que le mobile du crime réside dans la personne même de la victime.
En 2012, un inspecteur des finances publiques a été tué de plusieurs coups de fusil de chasse devant son domicile des Bouches-du-Rhône. Était-il visé en sa qualité de fonctionnaire d’État ou de simple particulier ?
Les considérations professionnelles et personnelles peuvent s’entrecroiser et offrir de multiples pistes d’investigation. Le crime est complexe si la victime a eu plusieurs vies ou de nombreuses activités. Le mobile dira possiblement vers quelle piste s’orienter. Si la victime était en service, il pourra être estimé que sa qualité professionnelle apparente est à l’origine de l’homicide (par exemple le meurtre de policier lors d’un braquage ou celui d’un gendarme volontairement percuté par un véhicule). Il n’en ira pas de même si la victime a été tuée alors qu’elle n’était pas dans l’exercice de ses fonctions. Distinguer la raison du crime n’est pas chose aisée.
L’assassinat en 1665 du Lieutenant criminel Jacques Tardieu et de son épouse à Paris n’était ainsi en rien en lien avec la qualité de magistrat de l’homme. Un personnage important qui avait forcément beaucoup d’ennemis. Il ne s’agissait en fait que d’un crime crapuleux commis par deux jeunes voleurs animés par l’esprit de lucre et instruits de l’avarice notoire du couple. L’insécurité était grande alors à Paris !
Tuer pour ce qu'on fait... et ce qu'on est
Plus généralement, la loi française est sévère à l’encontre de celui qui donne la mort à une personne liée à une procédure judiciaire, témoin ou victime, pour l’empêcher d’aller en justice ou pour se venger de son action en justice (plainte, déposition). Le souci de protection de ceux qui concourent à l’action de la justice est notable. Là encore, il s’agira de savoir si l’acte a été perpétré à titre de représailles ou pour empêcher un témoignage à charge. Le grand banditisme sait s’employer à intimider ceux qui veulent se mettre en travers de sa route. Le meurtre est l’un de ces moyens d’action radicaux, préventif en quelque sorte...
Si rien dans la vie de la victime n’oriente les investigations, il faudra envisager cette hypothèse en vérifiant que le défunt n’était pas impliqué dans une procédure judiciaire antérieure.
Des raisons d’ordre politique ou idéologique peuvent expliquer le crime. La victime est visée par ce qu’elle est et non parce qu’elle fait. La loi intègre cette dimension irrationnelle dans sa condamnation du crime de sang.
Ainsi, attenter délibérément à la vie d’une personne en raison de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une prétendue race, une ethnie, une nation ou une religion déterminée fait passer la peine encourue de 30 ans à la réclusion criminelle à perpétuité (article 132-76 du Code pénal).
De la même manière, ôter volontairement la vie en raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre vraie ou supposée de la victime expose à la peine la plus haute (article 132-77 du Code pénal).
Le crime raciste, antisémite, homophobe est ainsi sévèrement réprimé. Mais comment déterminer le mobile de ce type d’acte homicide ? Résulte-t-il des circonstances matérielles du crime ? Des propos ou de l’attitude de son auteur précédant le geste mortel ? D’une rencontre fortuite entre l’auteur et sa victime découlera le meurtre, inspiré par une idéologie mortifère.
Me revient un dossier que j’ai instruit à Lyon en 1987. Un ressortissant algérien de 44 ans, sans histoire est frappé à mort d’un coup de sabre en plein quartier de la Croix-Rousse après une course-poursuite avec des individus non identifiés. Il fait nuit et les témoins sont rares. Quelques riverains qui ont entendu une course-poursuite. Un crime raciste ? Malgré de longues investigations notamment dans les milieux d’extrême droite, je ne peux le déterminer et je dois classer l’affaire après quelques années d’enquête. Un échec amer.
Faute de témoins ou d’indices matériels probants, le crime raciste ou homophobe est difficile à résoudre. L’absence de liens antérieurs entre les antagonistes rend complexe l’élucidation de ce type de crime. La personne même de la victime n’est en rien éclairante et on ne peut y puiser que peu d’éléments utiles. Ce type d’homicide doit s’assimiler à un crime gratuit inspiré par la haine et le mépris de l’autre.
Le criminel... ordinaire ou en marge
Le profil de l’auteur du crime, une fois celui-ci identifié, induit dans deux hypothèses la qualification pénale qui sera retenue à son encontre.
Le meurtre par le conjoint ou concubin de la victime endeuille notre quotidien. Comment lutter efficacement contre ce fléau permanent ? La sphère familiale n’est-elle pas un obstacle à une action efficace des pouvoirs publics ?
Mais auparavant, il convient de confondre l’auteur qui, quelquefois, souhaite rester impuni et a, à cet effet, mis en œuvre une stratégie d’évitement. Pensons à Jonathann Daval, condamné pour le meurtre de sa femme et qui a organisé un scénario initial quelque peu machiavélique pour se disculper.
Ou à l’affaire Jacques Metais qui m’intrigua fortement. Le cadavre d’un homme ligoté, lesté d’une ancre, est découvert en mer, près de Marseille en octobre 2010. La victime avait le visage complètement recouvert de ruban adhésif, comme une momie. Un rituel étrange manifestement destiné à empêcher l’identification du corps. Un cold case ? Après une enquête serrée, l’épouse fut confondue et condamnée en 2018. Le procédé, original, n’avait pas suffi...
Les crimes conjugaux ont souvent pour théâtre le domicile familial et principalement la cuisine, lieu dangereux où les couteaux sont à disposition du mari en colère ou de l’épouse craintive. Fort heureusement, peu d’entre eux demeurent impunis. Cependant, un certain nombre d’homicides conjugaux (ou de coups mortels) peuvent ne pas être résolus si le cadavre du conjoint n’est pas découvert. Faire disparaître le corps de sa victime sans laisser de traces confondantes à son domicile ou à l’intérieur de son véhicule est une gageure que le meurtrier parvient à tenir quelquefois.
Des disparitions inquiétantes trouvent leur explication dans un différend conjugal paroxystique qui aboutit au meurtre qu’il soit prémédité ou non.
Avant donc de s’interroger sur les relations que la victime entretenait avec des tiers, il est nécessaire de vérifier la piste conjugale ou sentimentale. La clé de l’énigme est souvent là.
Le criminel est un homme ou une femme sans relief, pris dans ses tourments conjugaux ou dans des conflits de proximité de circonstance. Il est aussi un délinquant rompu aux codes en vigueur dans le monde du banditisme. Son aptitude à la violence est un marqueur indélébile qui va l’amener à la mort d’un rival, d’un associé ou d’un membre d’un réseau criminel 7.
Le meurtre commis en bande organisée est la qualification pénale usuelle qui vise le passage à l’acte homicide fréquent dans ce milieu interlope. Les règlements de compte, en hausse ces dernières années, témoignent de la persistance du phénomène liée à la généralisation du trafic de stupéfiants.
La résolution de ces assassinats qui convoquent des enquêteurs spécialisés est structurellement malaisée. Rares sont les indices laissés sur place par les auteurs et la loi du silence règne. Un long travail d’investigation s’impose, incertain et aléatoire. La chance joue aussi son rôle. L’affaire de la tuerie du bar des Marronniers à Marseille en 2006 n’aurait sans doute pas été partiellement résolue si l’un des acteurs principaux, Ange-Toussaint Federicci, n’avait pas été blessé dans la fusillade.
De plus, nombre de ces homicides ne trouveront pas de solution judiciaire. Des cold cases structurels donc. Ils ne pourront même jamais être judiciairement élucidés si l’assassin est lui-même abattu dans un règlement de compte ultérieur. Extinction de l’action publique par décès de l’auteur présumé. La loi du sang prévaut sur la loi pénale. Et les différends de cette nature ne se règlent pas devant les tribunaux !
Faute d’éléments utiles, ces affaires sont donc propices à devenir des cold cases.
Relevant de la criminalité organisée, ils échappent toutefois à cette problématique qui doit rester dans le droit commun.
Les violences mortelles sans intention homicide avérée
Le Code pénal français sanctionne une série d’atteintes mortelles à la personne dans lesquels l’intention homicide n’est pas requise comme un élément déterminant, constitutif de l’infraction.
Les actes de torture et de barbarie, les coups et blessures, le viol, l’enlèvement et la séquestration, le vol, l’incendie volontaire, la séquestration, les privations de soins sont pénalement aggravés si ces actes ont entraîné la mort sans intention de la donner. Il s’agit bien là de crimes délibérés sévèrement punis puisque étant directement à l’origine d’un décès.
S’agissant des actes de torture et de barbarie, des coups et blessures, du viol, du vol et de la séquestration, leurs auteurs qui ne souhaitaient pas la mort de leur victime peuvent être tentés de dissimuler leur forfait en se débarrassant du corps compromettant. Par cet acte, ils rendent nécessairement plus complexe l’élucidation de l’affaire. Les enquêteurs peuvent espérer qu’ayant agi à plusieurs (violences de cité liées à des affaires de drogue, viol collectif...), l’un des auteurs s’expliquera et mettra en cause les co-auteurs. La pluralité de mis en cause est de nature à faire progresser l’enquête. Cette circonstance est un puissant facteur de résolution d’une affaire.
Qu’elle soit délibérée ou non, la mort criminelle d’une personne oblige doublement la justice.
Celle-ci doit impérativement la vérité aux proches, légitimement désireux de connaître les circonstances du décès et ses raisons. Satisfaire à leurs attentes est de nécessité publique.
Elle doit également apporter réponse au corps social dans son entier, ce peuple français au nom duquel elle s’exerce. L’institution judiciaire doit prendre la mesure de ces exigences dans un souci d’apaisement social. La confiance qui lui est accordée en dépend largement.
Mais, à quelles réalités la justice est-elle confrontée lorsqu’elle a à résoudre un crime et à le juger ?
Le cold case dans sa complexité
Le cold case dans tous ses états
Crime avéré ou disparition inquiétante, le cold case reste, on l’a vu, un concept polymorphe qui rend complexe son appréhension et partant, le traitement judiciaire qui lui sera réservé.
L’état procédural de l’affaire est déterminant quant aux possibilités de résolution qu’il offre.
Il faut également tenir compte de la situation factuelle de l’affaire telle qu’elle se présente aux enquêteurs et aux magistrats en charge du dossier.
La combinaison de ces facteurs à la fois procéduraux, temporels et factuels va déterminer les perspectives de résolution judiciaire de l’affaire. L’ancienneté et la nature du dossier détermineront très probablement les chances d’élucidation.
Le cold case peut assurément demeurer une énigme parfaite et représenter un constat d’échec pour l’institution judiciaire.
Affaires vivantes, affaires enterrées
Une affaire criminelle peut être qualifiée de complexe pour deux raisons : les investigations sont toujours en cours mais ne permettent pas sa résolution. Une fois achevées, elles n’ont pas amené l’interpellation du ou des auteurs.
L’appellation « cold case » recouvre de fait quatre grandes catégories d’affaires qui donnent bien la mesure de la difficulté de la question. Pour les trois premières, leur état procédural est déterminé par une temporalité différente :
1.
Les affaires de crimes de sang ou de sexe en cours d’instruction mais qui, après un certain temps, ne sont toujours pas résolues. On peut raisonnablement fixer ce délai entre 12 et 18 mois. Ce sont les dossiers « vivants » sur lesquels travaillent les juges et les enquêteurs. Partie visible de l’iceberg, ces affaires sont aisément quantifiables, car elles sont suivies dans les cabinets d’instruction. Aujourd’hui, 91 pôles d’instruction criminelle (pour164 tribunaux judiciaires) sont en charge de ces dossiers ;
2.
Les affaires de crimes de sang ou de sexe classées « auteur inconnu » après instruction, mais qui peuvent faire encore l’objet d’investigations nouvelles car non prescrites. Rappelons que le délai de prescription de l’action publique court à compter du dernier acte d’instruction (généralement l’ordonnance de non-lieu du juge d’instruction ou l’arrêt de confirmation de non-lieu de la chambre de l’instruction en cas d’appel de cette dernière). Tout acte officiel d’enquête est par nature interruptif de prescription. Ces affaires sont beaucoup plus difficiles à dénombrer. Pour ce faire, il faut se plonger dans les archives des palais de justice et parvenir à les identifier parmi les centaines de dossiers d’instruction achevés qui y sont stockés. Ce n’est pas une mince affaire faute d’une véritable mémoire criminelle des affaires achevées (voir infra) ;
3.
Les affaires de crimes et de sang qui ont été classées « auteur inconnu » après instruction mais qui ne peuvent plus faire l’objet d’investigations nouvelles, car prescrites. Ce sont les dossiers classés avant le 28 février 2007 puisque la loi du 27 février 2017 ayant doublé le délai de prescription criminelle (de 10 à 20 ans) ne peut s’appliquer aux affaires définitivement prescrites à la date de son entrée en vigueur. Elles sont donc terminées sans possibilité de poursuivre leurs auteurs.
Une exception toutefois. Une affaire qui serait clôturée antérieurement au 28 février 2007 peut faire l’objet de nouvelles poursuites si elle est connexe à une affaire qui, elle, n’est pas prescrite. Un lien de connexité entre les deux affaires justifie ce régime de prescription spéciale 8. C’est ainsi que plusieurs nouveaux crimes datant des années 1990 peuvent être reprochés à Michel Fourniret condamné en 2008 et 2018 pour huit meurtres au total.
Ces affaires, les plus anciennes chronologiquement, sont encore plus malaisées à retrouver. Les dossiers peuvent même être entreposés aux archives départementales. Une recherche de type archéologique est presque nécessaire !
Les disparitions inquiétantes, l'angle mort des cold cases
4.
Sur les 70 000 disparitions de personnes chaque année en France, 10 000 restent préoccupantes. 1 000 resteraient à jamais irrésolues (estimation de l’association Assistance et recherche de personnes disparues). Ce chiffre dit bien l’ampleur du phénomène.
Les affaires de disparition inquiétante de personne constituent le quatrième bloc des cold cases, un véritable angle mort de par leur nombre et leur nature composite qui rend leur élucidation très complexe.
Ces disparitions inquiétantes ou suspectes correspondent à cinq situations possibles.
Un choix délibéré de la personne
Une personne majeure est en droit de disparaître en rompant les ponts avec sa famille et sans laisser de traces si elle le désire. Si elle est parent d’enfants mineurs, elle peut s’exposer néanmoins à des poursuites pour abandon de famille (article 227-3 et suivants du Code pénal) ou soustraction aux obligations parentales (article 227-17 du Code pénal). Toujours incomprise des proches, la disparition volontaire est difficile à caractériser à défaut d’éléments corroborant cette hypothèse (lettre d’adieu, organisation matérielle du départ...).
L’autorité publique est véritablement mal à l’aise dans cette situation. Comment enquêter en effet sur un événement qui n’est pas pénalement sanctionné ? Ce sera le caractère inquiétant ou suspect de cette disparition qui orientera la décision du parquet. Mais, comment déterminer ce caractère faute d’indications pertinentes ? Un cercle vicieux qui ne facilite pas la recherche de la personne au grand dam de ses proches. Rappelons que seules sont inscrites au fichier des personnes recherchées (FPR) les personnes dont les disparitions sont inquiétantes ou suspectes ainsi que les mineurs fugueurs (décret n° 2010-560 du 28 mai 2010) ;
Un accident mortel
Le décès par accident explique un certain nombre de disparitions inquiétantes. Les régions de montagne, de lac ou de bord de mer sont autant de lieux où promeneurs ou randonneurs perdent involontairement la vie. Leur connaissance des lieux les amène quelquefois à commettre une imprudence fatale. L’excès de confiance mais aussi la fatigue sont la cause d’une perte de vigilance à l’origine d’une chute mortelle. On constate que la randonnée pédestre en montagne est l’activité la plus exposée au risque d’accident grave. Avant l’alpinisme et le ski hors-piste ou de randonnée. Malgré les recherches, le corps de la personne n’est pas toujours retrouvé. Crevasses, ravins, taillis, forêts, torrents, rivières, lacs, étangs, mer abritent nombre de cadavres qui ne seront jamais découverts. Et devenus restes humains puis ossements, ils seront la proie des animaux sauvages qui achèveront de les démembrer et de les disperser à jamais.
L’hypothèse d’une disparition accidentelle est mal comprise par les proches. Il leur paraît inconcevable que les recherches n’aient pas été couronnées de succès et ils y voient la justification de leurs doutes. Il n’est pas simple de leur faire admettre que la disparition n’est en rien suspecte. Le décès par chute ou noyade menace particulièrement les jeunes enfants fugueurs. Se soustrayant à l’attention familiale, ils n’hésitent pas à s’aventurer dans les environs et, dépourvus de tout repère spatio-temporel, ils s’exposent inévitablement à l’accident. Si le corps de l’enfant est souvent découvert, fréquemment non loin du domicile, un certain nombre de disparitions de jeunes mineurs restent non résolues faute de découverte du cadavre. Là encore, les parents auront du mal à accepter la thèse accidentelle ;
Un suicide
Avec l’accident, le suicide est l’une des causes majeures de mort violente. Parmi les 9 000 personnes qui se donnent la mort chaque année en France, combien ne sont pas retrouvées, une fois leur acte accompli ? Là encore, admettre l’acte suicidaire n’est pas aisé pour les proches. Et le fait que le corps ne soit pas découvert les renforce dans leur incompréhension. La personne dépressive ne laisse que rarement un écrit annonçant vouloir mettre fin à ses jours. Marcher en montagne ou au bord de l’eau, se rendre dans un espace naturel aimé aident à quitter une vie trop pénible à supporter. Je me souviens avec émotion de ces parents qui n’acceptèrent pas que leur fille ait pu se suicider en se jetant dans le Rhône. Son corps fut pourtant retrouvé à des kilomètres en aval. De surcroît, des témoins avaient vu la jeune fille enjamber la balustrade d’un pont et se jeter à l’eau. Ils se persuadèrent que leur fille avait été victime d’un acte criminel. Contre toute évidence. Comme si cet acte extrême les culpabilisait en leur qualité de parents. Il leur fallait un coupable qui n’existait malheureusement pas ;
Un décès naturel
Hypothèse moins fréquente, le décès pour raison de santé est néanmoins l’une des causes de disparition inquiétante. Une crise cardiaque, un AVC ou toute autre pathologie médicale préexistante ou subite peuvent être à l’origine d’un décès, la personne s’étant aventurée seule dans un espace naturel. Les personnes âgées sont particulièrement exposées à un risque vital. Pour celles qui sont atteintes de la maladie d’Alzheimer, le danger est grand. Parvenant à quitter leur domicile ou l’institution dans laquelle elles sont hébergées, elles s’égarent en effet facilement et errent, désorientées, dans les espaces environnants. Certaines sont retrouvées quelques jours plus tard décédées, mortes de faim, sans avoir pu retrouver leur chemin. Par nature, la disparition d’une personne âgée ou souffrant de troubles du comportement est inquiétante. Il convient donc d’être attentif.
Quoi de commun dans ces toutes ces affaires de disparition inquiétantes ? Si l’on met de côté les décès accidentels d’adultes, sans caractère propre, les autres types de disparition possèdent des caractères identiques : des personnes seules, souvent vulnérables (enfants, personnes âgées, personnes dépressives ou fragiles mentalement) et qui s’exposent à un risque physique.
L'enlèvement, prélude à d'autres crimes
Un acte criminel
Combien de personnes disparues ont-elles été victimes d’un acte criminel ? Nul ne le sait puisque beaucoup ne sont jamais retrouvées. L’auteur des faits n’ignore pas que son impunité dépendra de son aptitude à dissimuler le corps de sa victime ou à s’en débarrasser. Il sait que le cadavre parle et qu’il supporte des traces qui peuvent l’accuser. Pas de corps, pas de crime ? Il est vrai que, faute de scène de crime, l’enquête est privée des éléments d’orientation qui lui sont indispensables. Elle ignore tout des circonstances de l’acte criminel et doit conjecturer sur les raisons de la disparition.
La qualification pénale d’enlèvement et séquestration est le plus souvent retenue par le parquet lorsque le caractère suspect de disparition semble établi. Elle présume que la victime est vivante. Infraction continue, cette atteinte criminelle à la liberté de la personne est punie de 20 ans de réclusion criminelle (article 224-1 du Code pénal). La peine est la réclusion criminelle à perpétuité si la victime est un mineur de 15 ans (article 221-5 du Code pénal). La prescription pénale ne court qu’à la fin de la séquestration et donc n’est pas un obstacle juridique à l’enquête. Celle-ci peut de fait ne jamais être clôturée.
Quelques affaires démontrent qu’une séquestration criminelle peut durer des années et connaître un dénouement heureux. Pensons notamment à Natascha Kampusch, cette collégienne autrichienne de 10 ans enlevée alors qu’elle se rendait à l’école. Elle est restée séquestrée pendant huit ans entre 1998 et 2006. Son ravisseur, un technicien en télécommunication de 35 ans, s’est suicidé le jour où elle est parvenue à s’enfuir.
D’autres, malheureusement les plus nombreuses, se terminent dramatiquement. Les petites Julie et Mélissa, âgées de huit et neuf ans, sont enlevées par Marc Dutroux en 1995 et retrouvées mortes de faim un an plus tard dans une cave. Deux jeunes filles enlevées sont également découvertes assassinées. Deux autres jeunes filles, victimes d’enlèvement, sont libérées par les enquêteurs. Un réseau pédo-criminel de vaste ampleur qui démontre jusqu’à quel degré de perversité les organisateurs peuvent aller.
La disparition à l'étranger
La disparition de ressortissants français à l’étranger constitue un autre cas de figure, certainement le plus complexe pour les enquêteurs et le plus douloureux pour les familles.
Deux causes semblent prééminentes : l’accident ou le meurtre.
Routards, randonneurs, trekkeurs parcourent le monde à la recherche de paysages nouveaux, de rencontres dépaysantes et de sensations accrues. Malheureusement, quelques-uns ne donnent plus signe de vie à leurs proches, les plongeant dans l’angoisse. Comment dès lors savoir ce qu’ils sont devenus ? Accident ou mauvaise rencontre dans des pays où les bandits de grand chemin sévissent toujours ?
Si la collaboration internationale entre services d’enquête fonctionne aujourd’hui de façon globalement satisfaisante, elle reste néanmoins tributaire de la bonne volonté des autorités du pays requis et surtout de leurs moyens d’investigation. Un frein évident à l’efficacité des échanges.
Certes, les enquêteurs et magistrats français peuvent se déplacer dans la plupart des pays du monde (excepté sans doute quelques États en proie à de graves conflits comme l’Irak ou la Syrie). Ne pouvant instrumenter seuls, ils dépendront cependant de leurs correspondants locaux. Connaissant pour la plupart un taux de criminalité élevé, les pays en voie de développement n’ont pas tous une culture de l’investigation criminelle et surtout ne disposent pas d’une infrastructure adaptée en matière de police technique et scientifique. Une véritable limite à la manifestation de la vérité qui n’est pas comprise par les familles.
Une information pour enlèvement et séquestration peut être ouverte en France. Le juge d’instruction délivrera une commission rogatoire internationale aux autorités judiciaires du pays concerné. Il n’aura toutefois qu’une prise restreinte sur les démarches engagées par ces dernières.
Le réalisme impose ces craintes mais il ne doit pas conduire à un renoncement hâtif. Le volontarisme de l’institution judiciaire française est indispensable. Il doit se manifester par une action résolue en direction du pays où son ressortissant a disparu. C’est un dû pour les proches.
La disparition inconnue
Alors qu’elle est, le plus souvent, le fait d’un proche, une disparition peut également n’être signalée par personne. Il peut s’agir d’une personne sans domicile fixe et en rupture familiale définitive.
En visitant un foyer d’hébergement d’urgence à Marseille, j’ai pu voir combien certains hommes avaient rompu définitivement avec toute vie sociale et étaient dépourvus de tout repère mental leur permettant de réintégrer la société qu’ils avaient pour certains quittée depuis plus de vingt ans. Ces grands marginaux pouvaient disparaître sans que quiconque s’intéresse à eux. Une fin de vie dans une totale solitude.
Pensons aussi aux migrants qui ont quitté leurs lointains pays et n’ont plus de contact avec leurs familles. Qui se soucie d’eux et de leur sort ? Faute de signalement, les pouvoirs publics ignorant même le décès seront dans l’incapacité d’agir.
Une situation exceptionnelle existe enfin. Les meurtres d’enfants nouveau-nés qui peuvent être de parfaits infanticides clandestins.
Ainsi Dominique Cottrez est-elle condamnée en 2015 pour un octuple néo-naticide commis entre 1989 et 2000. Cette mère de famille avait étouffé huit de ses bébés à la naissance. Aucun n’avait d’existence légale puisque non déclaré à l’état-civil. Des homicides dissimulés et donc non recensés qui échappent par définition à toute investigation.
La disparition criminelle : motifs et dangers
La disparition criminelle liée au banditisme a généralement pour motif la vengeance ou le désir d’éliminer un concurrent. L’assassinat en est clairement la cause. Faire disparaître le corps est une pratique répandue dans ce milieu. Elle témoigne d’une capacité criminelle solide apte à l’intimidation.
La disparition criminelle de droit commun est moins identifiable. Tous les motifs peuvent conduire à un acte criminel : la vengeance certes, mais aussi l’escroquerie et le vol (par exemple Landru auteur entre 1915 et 1919 de onze assassinats de femmes qu’il escroquait et dépouillait ; Denis Guedin, auteur d’un quintuple assassinat dans le Nord en 1991 pour ne pas avoir à rembourser la vente d’une voiture), mais surtout l’agression sexuelle et le viol. L’enlèvement et la séquestration d’une enfant ou d’une jeune femme n’ont pour finalité que le crime sexuel, but réel de l’auteur dont la pulsion commande impérativement ce type d’agissements.
Michel Fourniret, Marc Dutroux, Pascal Jardin, Pierre Bodein, Jacques Rançon, Christian Van Geloven, Emile Louis sont quelques-uns de ces grands prédateurs sexuels qui, à des degrés divers, marquent le paysage judiciaire français.
Les femmes sont bien sûr les victimes privilégiées de cette criminalité de comportement, préméditée et violente. La pulsion sexuelle étant par nature réitérante, la répétition homicide est à redouter. C’est pourquoi les enquêteurs et les magistrats doivent très vite envisager une sérialité et opérer tous les rapprochements nécessaires à l’identification de l’auteur. La dangerosité sociale d’un prédateur sexuel est maximale et oblige à ce réflexe professionnel.
Mais revenons au crime de sang avéré ou possible qui nourrit la rubrique trop abondante des cold cases.
Le cadavre : mort criminelle ou non
Une personne décédée de mort brutale est retrouvée dans un lieu clos, la rue ou dans un espace naturel. Les choses paraissent simples de prime abord. Les investigations se complexifient cependant selon que les causes du décès sont clairement criminelles ou non et selon que la victime a été identifiée ou non. Quatre hypothèses se rencontrent. On peut les classer par ordre croissant de complexité.
1.
Le cadavre est identifié et a été manifestement l’objet de violences mortelles (par arme à feu, par arme blanche ou objet contondant, par coups, par strangulation, par étouffement, par noyade, notamment). La piste criminelle est dès lors patente et oriente en conséquence le travail des enquêteurs. L’autopsie médico-légale complète et précise les axes d’enquête en déterminant les causes de la mort et la nature des blessures mortelles ;
2.
Le cadavre est identifié mais la cause du décès n’a pu être clairement établie. L’état du corps (décomposition, putréfaction) ne permet pas de déterminer précisément la nature de la mort. Cette situation est plus fréquente qu’on imagine. La science n’aide pas toujours à la compréhension des causes de la mort. Quatre pistes possibles s’offrent dès lors aux enquêteurs ce qui rend plus difficile leur travail. Le décès peut être criminel, accidentel, naturel ou consécutif à un suicide. Une enquête judiciaire sera ouverte en recherche des causes de la mort sous l’autorité du procureur de la République. Ce dernier a la possibilité aussi d’ouvrir une information du même chef ce qui permettra à la famille de se constituer partie civile. Si les causes du décès n’ont pu être déterminées précisément, un doute persistera sur une origine criminelle. Les enquêteurs sont contraints d’investiguer dans plusieurs directions en retenant au premier chef la piste d’un homicide volontaire. Une incertitude qui ne manquera de peser sur l’enquête ;
3.
Le cadavre n’est pas identifié et les causes de la mort sont manifestement criminelles. Cette situation embrasse les cas suivants : personne sans domicile fixe et dépourvue de documents d’identité, dépeçage manifestement criminel, restes ou ossements humains avec traces de violence criminelle. Le défaut d’identification est généralement constaté après de longues investigations locales, régionales, nationales, voire internationales. Les fichiers judiciaires (FPR, FNAEG 9, FAED 10) peuvent s’avérer impuissants à mettre un nom sur un cadavre. Ainsi, en 2011, un squelette de sexe féminin fut découvert dans une valise qui avait été abandonnée en contrebas d’une voie du bas port de Marseille. C’est en débroussaillant les lieux que les agents municipaux avaient trouvé cette valise au contenu macabre. Le corps était manifestement là depuis des années. Le meurtre était évident. Malheureusement, malgré de longues recherches, les enquêteurs de la police judiciaire (PJ) ne purent identifier la victime. Un crime énigmatique qui le demeure encore ;
4.
Le cadavre n’est pas identifié et les causes de la mort ne sont pas établies. Il s’agit de la plus mauvaise configuration pour les enquêteurs. Comme vu plus haut, on y trouve les personnes sans domicile fixe et dépourvues de documents d’identité ainsi que les restes et ossements humains mais cette fois sans trace évidente de violence criminelle. Le décès peut être accidentel ou lié à un suicide. Nombre de noyades dans des fleuves ou rivières aboutissent à une dégradation totale du corps. Roulé dans les flots, heurtant des obstacles, dévoré, le cadavre chemine quelquefois très longtemps avant d’être retrouvé dans un état qui ne permet pas de préciser les causes de la mort. L’autopsie du cadavre ou des restes humains, toujours pratiquée, a pour objet de déterminer des traces éventuelles de projectiles ou de tout autre objet à l’origine du décès. Mais en l’absence d’élément de cette nature, le médecin légiste peut être en peine de dire si la mort est criminelle. On parle là d’autopsie « blanche ». L’absence d’identification du corps se conjugue avec un doute persistant sur les circonstances de la mort. Ce double obstacle après de longues investigations laisse dans l’impuissance les enquêteurs et les magistrats. Le mystère demeure à leur grand regret.
Pourquoi le cold case ?
Nombreux sont les facteurs qui vont faire du crime un cold case. La configuration du crime, ses circonstances particulières, les investigations réalisées, l’attitude des enquêteurs, le comportement des magistrats, autant d’explications plus ou moins recevables et mal comprises par les familles des victimes.
Certes, un crime sans traces ni indices utiles et sans témoin démarre mal. Le travail d’enquête s’en trouve compliqué. L’absence de relation antérieure entre la victime et l’auteur est un élément tout aussi défavorable. Du crime intéressé au crime gratuit, le spectre des investigations à réaliser est large. Un défi pour les enquêteurs.
Mais, les carences, les erreurs et les fautes sont également la cause de l’échec judiciaire. Investigations sur la scène de crime imparfaites, manque de professionnalisme, négligences et facilités coupables. La surcharge du service d’enquête ne doit pas servir d’alibi à l’inaction. Comment la justifier des années plus tard alors que les proches sont en attente de résultats ?
Combien de crimes impunis parce qu’un permis d’inhumer a été trop rapidement délivré par un médecin ? Le mauvais état de santé d’une personne qui semble à l’origine du décès ne doit pas conduire à négliger une éventuelle piste criminelle. Un principe de précaution élémentaire exige qu’une fois avisé le parquet diligente une autopsie pour s’assurer de la nature exacte du décès. La crémation interdira toute nouvelle investigation médico-légale a posteriori. Il faut garder en tête cette règle de base.
Les insuffisances et le manque d’intérêt chez les magistrats du parquet comme de l’instruction entrent aussi en ligne de compte. Là encore, la densité de l’activité judiciaire ne doit pas être présentée comme une excuse à l’inertie. Les affaires de crimes de sang et de violences sexuelles ne sauraient en souffrir. Elles doivent être prioritaires. Combien de dossiers contre X n’avancent pas parce que le magistrat instructeur s’en désintéresse largement, pris par d’autres préoccupations ? Travailler véritablement une affaire d’homicide sans mise en examen suppose une lecture minutieuse de toutes les cotes du dossier, la vérification des pistes explorées, la recherche d’éléments nouveaux, bref une ardeur sans laquelle il est vain d’espérer un succès.
Les mutations des enquêteurs et des magistrats concernés par l’affaire participent aussi de son échec. Ils changent d’affectation, emportant avec eux leur connaissance du dossier et surtout leur enthousiasme. J’ai connu quant à moi cette situation lorsque j’ai quitté mes fonctions à l’instruction. J’ai laissé derrière moi plusieurs dossiers criminels non élucidés, espérant que mon successeur aurait plus de succès.
La justice interpellée
La justice sous pression
Quelles que soient les investigations réalisées, les proches des victimes d’un crime de sang complexe ou d’une disparition sont prompts à incriminer publiquement l’enquête. Ils mettent volontiers en cause le traitement pénal de l’affaire et partant le fonctionnement des appareils policier et judiciaire, jugé largement défaillant.
La justice est principalement critiquée pour son silence, ses insuffisances et globalement son inaptitude à résoudre l’affaire.
La problématique n’est pas nouvelle. En 2007, un groupe de travail était réuni par la direction des Affaires criminelles et des Grâces (DACG) sur le traitement des crimes en série. Vingt-trois préconisations étaient formulées à l’issue des travaux dont nombre d’entre elles restent toujours d’actualité. J’y ai participé, conscient que l’enjeu était d’importance même s’il était centré sur les crimes sériels. En effet, on ne sait qu’un crime s’inscrit dans une série qu’a posteriori, et notamment s’il est imputable au même auteur. La démarche judiciaire doit donc intégrer cette possibilité dès la survenance d’un crime de sang sans auteur facilement identifiable.
Quatre considérations pèsent aujourd’hui sur l’action judiciaire.
-
l’attente des victimes ;
-
la réalité juridictionnelle ;
-
le poids médiatique ;
-
l’évolution scientifique.
L'attente des victimes : entre découragement et espoir
Les familles des victimes d’un crime de sang ou d’une disparition inquiétante sont naturellement en attente d’une réponse pénale rapide. Elles n’hésitent pas aujourd’hui à user des vecteurs modernes de communication (réseaux sociaux, sites internet, interventions dans les médias). Leur cri est volontiers relayé.
Leur parole s’est structurée et organisée par le truchement d’associations ad hoc (citons notamment les associations Estelle et Christelle, l’association des parents d’enfants victimes (APEV), l’association Assistance et Recherche de Personnes disparues (ARPD).
Regroupant des proches qui partagent le même malheur, ces associations sont un fort soutien moral à tous ceux qui sont dans l’épreuve. Mise en commun d’une souffrance certes, mais aussi lieux d’échanges, de conseils et de réflexions sur la justice et son fonctionnement. Socialement utiles donc.
Ces structures citoyennes dont l’objet ne saurait être discuté interpellent fortement les pouvoirs publics et dénoncent avec virulence les carences et les anomalies qu’elles estiment relever dans le déroulement de l’enquête.
Leur regard, fondé sur une connaissance aiguë de l’affaire, est sans concession mais souvent pertinent. Relevant des insuffisances dans l’enquête, elles sont en droit de demander des comptes à ceux qui sont en charge du dossier.
Aidées par des avocats engagés, les proches, parties civiles, ont accès au dossier d’information et sont autorisés à demander les actes d’instruction qu’elles estiment nécessaires au progrès de l’enquête.
S’agissant des dossiers ouverts en enquête préliminaire pour disparition inquiétante, elles peuvent également solliciter auprès du procureur les investigations qu’elles jugent utiles. Le fait qu’elles ne puissent pas, à ce stade, se constituer partie civile, n’exonère pas le magistrat du parquet de faire droit à leurs demandes.
Les proches sont également en droit de demander la réouverture d’un dossier clôturé. Leur action résolue, soutenue par une association, peut conduire à cette issue. Ainsi, c’est grâce à l’action résolue de l’APEV et du père de la victime que le dossier du viol et du meurtre de la jeune lycéenne évoqué plus haut a été réouvert par le procureur en 2015.
Au-delà de griefs relatifs au déroulement de l’enquête, les proches reprochent surtout à la justice son absence d’empathie. Le manque d’écoute, le silence persistant, une forme de désinvolture hautaine et le peu d’égards pour les demandes formulées sont autant d’éléments à charge que dénoncent avec justesse les familles. Elles jugent en effet insupportable l’attitude distante que la justice oppose à leurs sollicitations. En définitive, c’est un manque criant d’humanité qui est dénoncé. Le procès est ancien et ne manque pas de justification. Comment expliquer ces critiques ?
La réalité juridictionnelle et ses pesanteurs
Parquets et magistrats instructeurs sont pris par une actualité structurellement lourde et urgente. La vie d’un tribunal judiciaire pénal est largement rythmée par les nombreuses affaires de délinquance de voie publique (agressions, violences, vols, trafics divers, accidents…) et de vie quotidienne (violences conjugales et familiales, bagarres, différends de voisinage…). Cette délinquance de masse se traduit par des arrestations, des gardes à vue, des défèrements, des mises en examen et des jugements qui mobilisent pleinement les magistrats en charge de ce contentieux de masse.
Comme un service d’urgence hospitalier qui fait face à une activité qu’il peine à maîtriser, la justice doit répondre sans délai aux plaintes et procès-verbaux qui lui sont adressés quotidiennement. Pressés par l’événement, les magistrats voient leurs emplois du temps prédéterminés par l’action des services de police, de gendarmerie, de douane ainsi que par celles des administrations verbalisatrices (environnement, consommation, travail, fraudes, urbanisme...)
Ce double diktat de la masse et de l’urgence oriente en grande part l’activité judiciaire pénale. Le procureur s’emploie non sans mal à gérer au jour le jour les flux d’affaires qui lui sont adressées. Le juge d’instruction doit, quant à lui, traiter en parallèle la centaine (ou plus) de dossiers criminels et correctionnels qui constituent son portefeuille. Les affaires dans lesquelles des personnes sont en détention provisoire seront forcément prioritaires à leurs yeux eu égard aux délais fixés par la loi.
Cette réalité quantitative n’est pas sans conséquence sur les choix que doivent opérer les magistrats.
Pris par les exigences du quotidien, les procureurs ne peuvent pas consacrer le temps qui serait nécessaire à un examen ou un réexamen attentif d’une affaire criminelle classée ou d’un dossier de disparition inquiétante ancien. Ils le regrettent assurément.
Devant traiter avec diligence les affaires comprenant des détenus, les magistrats instructeurs connaissent une difficulté voisine. Se plonger dans un dossier criminel contre X, ouvert plusieurs années auparavant et que ses prédécesseurs ne sont pas parvenus à élucider, exige une disponibilité et une motivation qui peut leur manquer.
Les tribunaux français sont mal armés pour faire face aux cold cases. Leur organisation et les contraintes auxquelles ils sont soumis les disposent difficilement à s’engager dans un traitement volontariste de ces affaires complexes. L’absence d’une culture spécifiquement « cold case » leur fait cruellement défaut (voir infra).
Le poids médiatique : entre pression et soutien
Le poids nouveau des médias, de tous types, font des cold cases un fort enjeu concurrentiel. Sujet permanent (émissions quasi quotidiennes sur les affaires criminelles), le crime est le fonds de commerce des chaînes de télévision. Le phénomène n’est pas nouveau mais s’est accru par le morcellement du paysage médiatique. Les chaînes d’information continue usent du fait divers comme une source constante de débats et de polémiques. Un crime retentissant suscite un appétit médiatique qui s’auto-alimente de lui-même si l’affaire reste mystérieuse et « feuilletonne » à leur grand bonheur.
La diversité des supports de communication permet maintenant à tout citoyen de s’informer mais aussi de critiquer les institutions en charge des enquêtes pénales. Les relais d’expression sont nombreux et pèsent lourdement sur l’action répressive en la matière. Tout citoyen est à la fois reporter et cadreur, combinant l’usage abondant des réseaux sociaux et du smartphone. Devenant important, il s’érige en moraliste et en critique facile des institutions.
L’exigence d’immédiateté, de « transparence », est devenue la règle. On l’a vu, prise dans sa logique et ses contraintes, la justice peine à s’en affranchir.
Le temps judiciaire s’est ainsi contracté. Soumise à une pression continue, la justice est sommée d’agir vite et de révéler publiquement l’état d’avancement de ses investigations. Les actes d’enquête qui ne sont pas dévoilés dans l’instant interrogent. L’enquête qui ne se révèle pas publiquement au grand jour est suspecte. Elle « piétine » dit-on. Comme si tout devait être dévoilé dans l’instant !
Mais pour dommageable qu’elle soit, cette exigence contemporaine doit être comprise par les enquêteurs et les magistrats. Ils ne sauraient passer outre en s’abritant derrière les pratiques d’une époque révolue. Ces temps anciens où l’enquête se déroulait à l’abri des regards. Plus que d’autres, la justice criminelle se doit d’intégrer cette nouvelle demande sociale et ses impératifs, fussent-ils critiquables. Elle doit certes rappeler ses principes fondateurs, présomption d’innocence, contradictoire, protection des victimes, recherche de la vérité judiciaire, peu compatibles avec la pression médiatique. Mais, qu’elle le veuille ou non, il lui faut composer avec celle-ci et s’en servir au besoin.
N’oublions pas que les médias audiovisuels constituent un vecteur formidable d’accès à l’information. Grâce à Internet, ils touchent un public considérable que la justice ne parviendra jamais à réunir. Ce faisant, ils offrent aux enquêteurs un terrain de diffusion sans pareil. À eux et aux magistrats d’en user à bon escient, se faire des medias des alliés plutôt que des ennemis.
Le progrès scientifique : ses exigences pour tous
Enfin, l’accélération du progrès scientifique conduit à ce que tout soit mis en œuvre, sur le temps long, pour tenter de résoudre les homicides complexes même les plus anciens. À cet égard, l’extension du délai de prescription de l’action publique pour les crimes est un puissant facteur incitatif. L’exhumation des affaires classées et non prescrites et leur réexamen sous l’angle scientifique est indispensable.
À la différence de la preuve humaine, la preuve scientifique ne souffre pas la contestation. Quand elle est solide, elle permet d’asseoir une culpabilité et, à ce titre, sécurise enquêteurs et magistrats. Dès le début, l’enquête criminelle doit donc considérer que les éléments matériels découverts feront l’objet d’une analyse scientifique approfondie. Et, par voie de conséquence, elle se doit d’y être spécialement attentive.
De Bertillon et son système d’anthropologie osseuse à la dactyloscopie (étude des empreintes digitales), de l’analyse des groupes sanguins à l’empreinte génétique, la criminalistique a considérablement progressé. Son évolution est permanente et elle offre des perspectives vertigineuses de résolution des affaires complexes. Les techniques d’enquête usent massivement du progrès technologique. Après les logiciels d’analyse criminelle et les fichiers d’identification, apparaissent maintenant l’informatique quantique et l’intelligence artificielle. Ces nouvelles technologies vont permettre une gestion d’un nombre considérable d’informations et donc d’avancer dans le traitement des dossiers les plus touffus.
Les nouvelles techniques de recueil de traces et d’indices sur les scènes de crime, les drones, les traceurs GPS, les moyens spéciaux d’enquête (écoutes, sonorisation, IMSI Catcher...), l’ADN de parentèle, le portrait-robot génétique sont apparus et sont de nature à aider à la résolution du crime.
La balistique, la morpho-analyse des traces de sang, l’expertise biologique, l’entomologie légale, la médecine légale, la toxicologie mais aussi l’odorologie, l’anthropologie et l’archéologie judiciaire ou l’analyse comportementale (le profilage) sont quelques-unes des disciplines fondamentales qui contribuent à la résolution d’une affaire criminelle. Le magistrat a tout intérêt à se former à ses disciplines pour mieux les utiliser.
Mais pour ce faire, les enquêteurs se voient rappeler un impératif absolu qui renvoie à leur rigueur et leur compétence : appréhender la scène de crime avec la plus grande minutie. Du parfait respect de ce principe dépend la solution de l’affaire. Trois étapes déterminantes s’imposent à eux.
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la préservation de la scène de crime ;
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la recherche des traces et indices ;
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le prélèvement et la conservation de ces traces et indices.
Combien d’affaires sont-elles restées insolubles parce que les démarches initiales, essentielles à la manifestation de la vérité, n’ont pas été accomplies dans les règles de l’art. Un art enseigné dans les écoles de police et qu’il faut inlassablement respecter à chaque nouvelle affaire, quelles que soient ses circonstances. Répétons-le. La négligence, l’omission, le manque de vigilance, la routine sont les causes certaines de l’échec, irrémédiable et injustifiable. Y succomber est une faute professionnelle peu admissible. À l’enquêteur d’y être attentif. Au procureur et au juge d’instruction d’y veiller.
Quelles solutions ?
Une réflexion collective nécessaire
Interpellée, mise en cause, accusé de maux divers, taxée d’inhumanité, la justice française se doit de réagir et s’efforcer d’améliorer sensiblement la manière dont elle traite des cold cases. Une réflexion collective s’imposait. Pensant que le temps était venu, j’ai décidé de la susciter.
Depuis très longtemps, j’étais convaincu en effet que notre système judiciaire était insuffisant pour traiter correctement de ces affaires si particulières.
En qualité de juge d’instruction, fonction que j’ai exercée avec passion pendant dix ans, j’ai mis toute mon énergie à résoudre les affaires de crime de sang dont j’étais saisi. Malgré tout, j’avais échoué dans un certain nombre de cas, me faisant prendre conscience des limites de mon engagement. En mai 1994, en quittant mes fonctions après sept d’ans d’exercice à Lyon, j’avais dénombré dix affaires d’homicide que les enquêteurs et moi n’avions pas pu résoudre. Des crimes très divers dont aucun ne relevait d’un règlement de compte. Un triste constat qui m’est resté longtemps en mémoire. Certes, à cette époque, l’empreinte génétique n’en était qu’à ses débuts. Mais avais-je fait tout ce que j’aurais pu faire pour résoudre ces meurtres ?
En 2006, alors que j’étais avocat général à Bordeaux, j’ai participé avec enthousiasme à une commission sur les crimes en série mise en place à la Chancellerie. Nous étions nombreux et de nos rencontres est né un rapport publié l’année suivante. Des préconisations y figuraient donc certaines sont toujours d’actualité. J’y évoquais déjà l’intérêt de créer une mémoire criminelle dans les parquets.
En 2008, je pris mes fonctions de procureur de la république à Marseille, un poste exigeant mais ô combien exaltant. Dans mes fonctions précédentes de procureur à Bourg-en-Bresse, j’avais tenté en vain de recenser les affaires criminelles non élucidées et clôturées. Je pus le faire à Marseille grâce à la sagacité d’une greffière qui tenait un listing exhaustif de toutes les affaires criminelles contre X classées « auteur inconnu ». Ce support fut précieux et me permit de mettre en place une cellule ayant pour objet de réexaminer les dossiers non prescrits. Une expérience intéressante qui me fit réfléchir sur l’opportunité d’une modélisation d’un bureau des enquêtes criminelles au sein du parquet (voir infra).
Riche de ses expériences, je poursuivis ma réflexion. Que déduire de cette confrontation avec le crime complexe ? Comment mieux traiter les affaires énigmatiques ? Il fallait avancer. C’est ainsi qu’en août 2018, j’ai proposé au directeur des Affaires criminelles et des Grâces de la Chancellerie de réfléchir à l’amélioration du traitement judiciaire des cold cases. Il s’agissait pour moi de centrer l’étude sur l’institution judiciaire et non sur les services d’enquête déjà bien structurés en ce sens. Le rapport de 2007 y avait fait allusion en son temps.
En juillet 2019, j’ai été destinataire d’une lettre de mission me confiant la présidence d’un groupe de travail qui serait réuni à cette fin. La concrétisation d’une démarche qui me tenait depuis longtemps à cœur.
Avec Christian de Rocquigny, sous-directeur de la Justice pénale générale, dont j’apprécie les grandes qualités professionnelles, j’ai constitué cette commission destinée à plancher sur la question. J’y souhaitais des enquêteurs confirmés, des magistrats d’expérience ainsi qu’un avocat concerné et un médecin psychiatre reconnu. Les personnes pressenties ont toutes adhéré avec enthousiasme à ce projet.
Le groupe formé de quatorze personnes d’origines très diverses s’est réuni en présentiel à la Chancellerie à cinq reprises entre octobre 2019 et février 2021. Les grèves de transport et la pandémie ont malheureusement restreint le nombre de réunions. De même, le groupe n’a pu procéder à toutes les auditions qu’il aurait souhaitées. Le secrétariat a été excellemment tenu par les magistrats de la DACG auxquels je tiens à rendre hommage.
À l’issue des travaux, un rapport a été remis à la fin du mois de février 2021 à la Chancellerie. Il a été validé par le directeur des Affaires criminelles et des Grâces et publié en mars sur le site intranet du ministère de la Justice.
Nous avons émis 25 recommandations dont certaines nous paraissent incontournables pour progresser dans la gestion judiciaire des cold cases. Pour être applicables, certaines d’entre elles supposent des modifications législatives. D’autres sont purement organisationnelles ou tout simplement pratiques. Quatre d’entre elles me paraissent majeures :
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la tenue d’une mémoire criminelle dans les parquets ;
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la création de pôles judiciaires spécialisés ;
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la création d’un cadre juridique spécifique aux crimes sériels ;
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la gestion spécifique des scellés.
De quels constats devions-nous partir avant de proposer ces solutions ?
Une justice intellectuellement démunie
Malgré le développement de la spécialisation (terrorisme, criminalité organisée, délinquance économique et financière, santé publique, accidents collectifs...), l’institution judiciaire reste en retrait s’agissant de la criminalité de sang de droit commun. À ce jour, elle est dépourvue :
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d’une connaissance précise et exhaustive des affaires qui s’échelonnent dans le temps et font l’objet d’un traitement procédural non homogène (enquête préliminaire, information judiciaire) ;
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d’une capacité à rapprocher les crimes de sang avérés et les disparitions inquiétantes enregistrés sur le territoire national ;
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d’une mémoire criminelle locale lui permettant de recenser les dossiers, tracer leur cheminement et les mettre en relation les uns avec les autres. Au fil des années, l’affaire non résolue perd de son acuité au risque de disparaître des esprits. De la seule pugnacité des parties civiles dépend la réactivation du dossier.
Ces carences imputables à l’institution préjudicient fortement au suivi des dossiers et à leur bon traitement.
La mémoire criminelle : l'expérience marseillaise
À mon initiative, une cellule d’exploitation et de rapprochement criminels avait été mise en place au parquet de Marseille entre 2008 et 2013. Le nombre de crimes de sang qui endeuillaient le ressort me semblait justifier ce dispositif empirique.
L’objet de cette cellule était de permettre, notamment grâce aux moyens nouveaux offerts par le progrès scientifique, un réexamen des procédures criminelles restées non élucidées, clôturées par une ordonnance de non-lieu faute d’auteur ayant pu être identifié, et non encore prescrites pénalement. Le suivi en avait été confié à un vice-procureur du parquet de Marseille.
Lancée à compter de septembre 2008, la cellule avait vocation à connaître des dossiers clôturés par des ordonnances de non-lieu remontant jusqu’à septembre 1998 (la prescription de l’action publique étant de dix ans à cette date). La cible ainsi identifiée concernait, pour le tribunal de Marseille, une liste de 215 affaires criminelles contre X, comprenant 127 procédures pour meurtres et 88 pour viols. Avant l’heure, un embryon de mémoire criminelle ! Restait à retrouver les dossiers archivés et les scellés qui leur correspondaient.
En 2008, les progrès réalisés notamment en termes d’analyse ADN permettaient aux laboratoires d’effectuer des recherches qui n’étaient pas possibles il y a quelques années en l’état des données de la science de l’époque. Il était ainsi envisageable de pratiquer des extractions ADN monocellulaires, ou sur des groupes très restreints de cellules, permettant d’espérer isoler des traces ADN exploitables même sur des éléments très réduits ou très dégradés.
Il était donc justifié dès lors que l’on soumette à nouveau à examen scientifique des scellés dont l’exploitation, il y a quelques années, n’avait pas donné des résultats. Il fallait y ajouter les scellés qui n’avaient pas donné lieu à recherche ADN à une époque où celle-ci était moins systématique, voire absente.
Certains dossiers pouvaient mériter d’être réexaminés, en dehors du seul domaine de la preuve scientifique, à la lumière de comparaisons et de recoupement possibles avec d’autres procédures similaires plus récentes, avec lesquelles un lien aurait pu être établi.
Ce travail passait par une concertation avec les services de la DIPJ de Marseille, notamment la brigade criminelle, qui, parallèlement au travail du parquet, avait entrepris une « exhumation » de ses propres procédures non résolues.
Entre septembre 2008 et mai 2013 (date de mon départ), plusieurs dizaines d’affaires de crimes de sang ont été ainsi réexaminées. Un certain nombre de dossiers ont été réouverts à la faveur de la mise en évidence de profils ADN ou d’éléments nouveaux apparus lors de leur réexamen (le meurtre d’une femme à son domicile en 1996 à Marseille a ainsi été relancé en 2008).
Le magistrat du parquet en charge de cette mission faisait ressortir du service des archives les dossiers utiles (par année en commençant par les plus anciens en limite de prescription). En liaison avec les services d’enquête, il requérait d’un laboratoire d’analyse génétique l’examen des scellés jugés utiles. Soit cet examen ne mettait pas en évidence d’éléments exploitables (absence d’ADN ou traces inexploitables) et le dossier était alors retourné aux archives ; soit, une ou plusieurs traces utiles étaient identifiées et le FNAEG était alimenté de ces éléments nouveaux.
À ma connaissance, aucune affaire ne semble cependant avoir été élucidée à ce jour, les nouvelles orientations d’enquête apparues n’ayant pas abouti. Néanmoins, ce travail n’est pas demeuré, le FNAEG s’étant enrichi de nouvelles traces potentiellement exploitables judiciairement.
J’avais considéré qu’une nouvelle étude de ces dossiers, avec mise en œuvre de moyens modernes de recherche de la preuve, constituait une avancée autant pour la recherche de la vérité que pour les victimes ou leurs proches.
Le coût des nouvelles investigations, non négligeable en matière de recherche biologique, et l’incertitude des résultats peuvent être un frein à ce travail d’exhumation et de réexamen. Il faut en tenir compte mais sans s’autocensurer pour cette seule raison pécuniaire. Ne dit-on pas que la justice n’a pas de prix même si elle a un coût ? L’enjeu pénal majeur me semble justifier ces frais de justice.
Il nous est apparu également que la bonne conservation des scellés et un archivage adapté des dossiers criminels classés étaient également les conditions indispensables à la bonne fin de ce travail d’analyse a posteriori.
Lutter contre l'oubli : une ardente obligation
Dans le rapport publié en 2007, nous avions écrit les paragraphes suivants : « Il apparaît pertinent que soit (re)créé au sein des parquets une section criminelle ou un bureau des enquêtes criminelles afin d’améliorer le suivi des affaires non résolues (disparition, viols, crimes de sang non élucidés, disparitions inquiétantes et recherches des causes de la mort) avant et pendant l’instruction et de disposer d’une mémoire de ces dossiers.
Le temps de ces dossiers, par nature difficiles et complexes, est différent de celui qu’impose le traitement des procédures dit en temps réel. Alors que dans un cas l’orientation judiciaire sera quasi immédiate et les résultats des investigations prescrites par les magistrats connus rapidement, la procédure criminelle, ou la disparition inquiétante, l’une sans auteur, l’autre sans corps, impose un suivi régulier et affiné qui ne peut être assuré que par un magistrat du parquet spécialement affecté à ce contentieux. Dans le cadre de ces sections criminelles ou bureau des enquêtes criminelles seraient enregistrés et suivis tous les dossiers susceptibles de relever d’une criminalité de prédation. Il serait procédé aux rapprochements nécessaires avec des affaires connues (avec l’aide du magistrat référent du parquet général) […]
Centralisée au parquet, la mémoire des affaires non résolues ainsi constituée permettrait une mise en relation des dossiers clôturés et inciterait à une analyse dynamique des faits criminels enregistrés dans le ressort sur une période considérée (15-20 ans). Un recensement exhaustif des affaires criminelles non élucidées serait ainsi effectué […]
Les enquêtes criminelles doivent faire l’objet d’une politique pénale à l’échelon du parquet général. En effet, il s’avère que des rapprochements, voire des jonctions de procédure sont possibles et souhaitables dans le ressort d’une même cour d’appel. La désignation d’un magistrat référent au parquet général (par exemple celui chargé de l’action publique) doit être préconisée.
En effet, au-delà de l’information que peuvent avoir les magistrats du parquet auprès des services d’enquête qu’ils ont saisis, et même en ayant comme axiome que la communication entre les services d’enquête s’est bien déroulée et que le recours aux fichiers a bien eu lieu, l’expérience de ce magistrat désigné, sa vision exhaustive des procédures criminelles, en recherches des causes de la mort ou en disparition inquiétante peuvent apporter une plus-value autre qu’il serait dommage de ne pas utiliser 11 ».
En 2021, nous aurions pu écrire la même chose.
Conscients de l’intérêt que revêt l’instauration d’une mémoire criminelle au sein des parquets, nous avons érigé cette recommandation comme un point nodal de notre rapport.
Pour appréhender de façon satisfaisante la problématique des cold cases, il importe tout d’abord que soient recensées toutes les affaires criminelles en cours ainsi que les affaires de disparition inquiétante. Une cartographie de ces dossiers s’impose dans chaque cour d’appel.
Ce recensement doit s’attacher à intégrer également les affaires anciennes clôturées mais toujours poursuivables.
Outre la connaissance la plus exhaustive possible des affaires, les parquets et parquets généraux doivent mettre en place un bureau des enquêtes criminelles. Cette mémoire criminelle mentionnerait les références des dossiers ouverts contre personne dénommée (homicide, viol), les dossiers ouverts contre X (homicide, viol, enlèvement et séquestration) ainsi que des dossiers de disparition inquiétante en cours. Les éléments caractéristiques de ces affaires ainsi que leur parcours procédural figureraient dans cette mémoire (une fiche synoptique par dossier).
Si l’affaire est clôturée sans résolution judiciaire (non-lieu, classement sans suite), le dossier numérisé sera versé dans un espace informatique dédié de façon à être immédiatement accessible.
La numérisation des dossiers d’instruction, désormais généralisée, évite un archivage toujours problématique (rangement, conservation, perte de pièces...).
Tout procureur qui prend son poste, et notamment ceux qui ont en charge un pôle criminel, doit pouvoir trouver, dans son paquetage, un état à jour des affaires criminelles non élucidées en cours ou clôturées. Les dossiers numériques et leur cheminement lui seront également accessibles.
Il en va de même des disparitions inquiétantes.
Spécialiser : un remède au cloisonnement judiciaire
Alors que les services d’enquête se sont organisés pour rationaliser en interne le suivi des crimes complexes et en améliorer l’élucidation, l’absence de coordination entre les acteurs judiciaires locaux et régionaux nuit fortement à leur bonne appréhension. Les échanges entre les magistrats des juridictions concernées sont insuffisants, voire inexistants. Il n’est pas rare qu’au sein du même tribunal la communication entre juges d’instruction soit défaillante. Les liaisons opérationnelles entre les parquets laissent aussi à désirer. Par principe, la territorialisation de l’action judiciaire est un frein redoutable à son efficacité lorsque les criminels agissent sur plusieurs ressorts. Ils savent facilement y échapper.
Le cloisonnement est le mal essentiel dont souffre l’institution judiciaire face à la plus grave des criminalités. Il faut l’admettre et donc imaginer des pistes d’action pour y remédier.
Pour pallier cet inconvénient majeur, seul un regroupement des procédures nous paraît concevable.
Cette centralisation passe par une spécialisation des magistrats et du greffe. Elle permettra un rapprochement entre dossiers et une analyse complète des faits criminels en cause.
La spécialisation conduit à la constitution de pôles interrégionaux dédiés sur le modèle des huit juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) créées en 2004. Un ou plusieurs parquetiers et juges d’instruction aidés de juristes assistants y seraient affectés avec pour seule mission de travailler sur les cold cases. Une tâche difficile, sans doute ingrate, mais certainement passionnante. Les familles, qui sont demanderesses de ce type de structures spécialisées, y trouveraient l’écoute et la disponibilité qu’elles recherchent.
Un pôle national pourrait être consacré aux tueurs en série ayant agi en plusieurs points du territoire national ainsi qu’aux serial killers internationaux ayant sévi en France.
Ces pôles judiciaires spécialisés qui pourraient être au nombre de quatre seraient constitués au moins d’un parquetier, d’un juge d’instruction et d’un assistant spécialisé. Ils auraient vocation à se saisir de tout crime de sang contre X soit ab initio s’il se rattache à une série criminelle soit à l’issue d’un certain délai (12 ou 18 mois) si le dossier est sans résultat judiciaire probant. Les 91 pôles criminels actuels resteraient donc en charge des affaires criminelles commises dans leurs ressorts respectifs. L’acceptabilité de ce dispositif innovant me semble ainsi garantie.
Ce dispositif nous paraît seul à même de générer la culture « cold cases » que nous préconisons ardemment. Recrutés sur la base d’une motivation réelle, les magistrats des pôles judiciaires spécialisés acquerraient peu à peu les connaissances nécessaires à une bonne appréhension de ces affaires complexes.
L’adjonction d’un service d’enquête spécialisé (OCRVP 12, division Cold case) au service d’enquête initialement saisi est également nécessaire. Un double regard, à la fois proche et distancié, ne peut qu’être productif.
Rechercher la sérialité : le parcours criminel
Le parcours de vie d’un individu suspecté de crimes successifs mérite d’être étudié précisément. On peut y trouver des informations capitales propres à l’impliquer dans des affaires jusque-là non élucidées.
La saisine in rem du juge d’instruction l’empêche d’effectuer ces recherches en toute sécurité juridique.
L’enquête préliminaire à cette fin sous le contrôle du parquet est envisageable. Mais ce cadre procédural ne permet pas de recourir à des mesures de contrainte.
C’est pourquoi, le rapport recommande la création d’un cadre juridique idoine. En cas de suspicion de crimes multiples, ce cadre d’enquête offert aux magistrats des pôles cold cases leur donnerait toute latitude pour investiguer sur le parcours de vie d’un criminel. Des recoupements pourraient ainsi être opérés.
En cas de révélation de faits sériels, le pôle spécialisé se saisirait de l’affaire instruite localement.
Le détachement d’un officier de liaison dans les pôles judiciaires cold cases compléterait le dispositif en étant chargé des recherches et des rapprochements éventuels. Un officier de police en PJ ou un gradé de la gendarmerie exerçant en unité de recherche serait tout à fait adapté à cette tâche.
Gérer avec soin les scellés criminels : un impératif absolu
du palais de justice ;
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stocker les scellés dans un espace dédié aux affaires criminelles au sein du palais de justice. Compte tenu de son caractère sensible, cet espace doit faire l’objet de la plus grande attention de la part du directeur de greffe ;
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protéger et conserver les scellés criminels dans les meilleures conditions possibles. La protection de l’intégrité du scellé doit permettre d’éventuelles nouvelles opérations de police scientifique, sur un temps qui peut être très long ;
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enfin, prescription impérative, prohiber toute destruction d’un scellé criminel tant que l’affaire à laquelle il se rapporte n’est pas résolue. Détruire volontairement une pièce à conviction, c’est se priver d’une chance de résolution de l’affaire. Il s’agit donc d’un acte injustifiable quel que soit l’encombrement du local des scellés de la juridiction. Dans l’hypothèse où des pôles judiciaires spécialisés seraient créés, il est indispensable que ces derniers puissent travailler sur l’ensemble des pièces à conviction de l’affaire.
En conclusion : penser aux proches, toujours
L’homicide est souvent commis par le conjoint ou un proche de la victime. Cette considération explique que dans les premiers jours de l’enquête, la famille soit tenue dans l’ignorance du contenu du dossier. Cette attitude est quelquefois mal admise. Il faut donc lui expliquer ce principe élémentaire de prudence. Elle peut le comprendre. Mais, au fil du temps, cette mise à distance, liée aux nécessités de l’enquête, n’a plus lieu d’être lorsque la piste familiale est définitivement écartée.
Les proches, parties civiles, et leur avocat doivent être considérés comme des acteurs essentiels de l’enquête et traités comme tels. Ils sont porteurs d’informations qui ne peuvent être négligées. Leur place est donc éminente et les magistrats ne sauraient la réduire à la portion congrue.
Pensons à Pierre Monoir et maître Corinne Hermann qui ont permis, grâce à leur pugnacité, de résoudre l’affaire des disparus de l’Yonne et à la condamnation d’un tueur en série, Émile Louis. Leur combativité a vaincu l’incroyable carence de la justice locale, incapable de prendre la mesure d’une affaire exceptionnelle.
Recevoir la famille, l’écouter, lui parler est essentiel. Même si l’enquête n’a pas connu d’avancée significative, il est important de le dire aux proches, de les assurer que les investigations se poursuivent et que la justice met tout en œuvre pour résoudre l’affaire. Ces temps de rendez-vous judiciaires doivent être réguliers. Ils sont le reflet de l’intérêt que l’institution porte aux victimes.
Donner un peu d’attention, écouter la souffrance, compatir et soutenir, n’est-ce pas tout simplement mettre de l’humain là où il le faut.
« Si tu désires la justice, choisis pour les autres ce que tu choisirais pour toi-même. » (Abdu’l-Baha).
Notes
(1) Ce texte emprunte un certain nombre d’éléments rédigés par l’auteur et qui figurent dans le rapport sur le traitement judiciaire des cold cases publié en mars 2021 sur le site intranet de la Chancellerie
(2) Despaty (O.) (1913), Magistrats et criminels 1795-1844, Paris, Librairie Plon.
(3) L’article 353 du Code de procédure pénale le demande expressément : « Sous réserve de l’exigence de motivation de la décision, la loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la cour d’assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : « Avez-vous une intime conviction ?».
(4) Cusson (M.), Louis (G.), 2019, L’art de l’enquête criminelle, Nouveau Monde Editions, p.28
(5) Ibid., p. 33.
(6) Les exemples cités sont tirés de mon livre, Mes homicides, paru chez Robert Laffont, 2015 et Pocket 2016 auquel je me permets de renvoyer le lecteur.
(7) Lire notre article «Les conflits entre criminels, la violence, ciment culturel », paru dans le numéro 41 des Cahiers de la Sécurité et de la Justice, « L’homicide dans le monde, les leçons d’une enquête ».
(8) Cf. arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle du 17 septembre 1997 (n°96-84.972) et article 9-2 du Code de procédure pénale.
(9) Fichier national automatisé des empreintes génétiques.
(10) Fichier automatisé des empreintes digitales.
(11) P. 39 à 41 du rapport du groupe de travail sur le traitement des crimes en série publié en 2007 sur le site intranet de la DACG.
(12) Office central pour la répression des violences aux personnes.
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