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La nécessité d'individualiser le désengagement en matière d'extrémisme violent lié à l'islam dit "djihadisme"

La nécessité d'individualiser le désengagement en matière d'extrémisme violent lié à l'islam dit "djihadisme"
22sep.23

Cet article a été écrit par Dounia Bouzar, docteure en anthropologie. Il est issu du n°45 des Cahiers de la sécurité et de la justice.

Cet article a pour but d’aider les professionnels de terrain à mieux repérer des facteurs de désistance adaptés à l’individualisation de l’engagement dans l’extrémisme violent lié à l’islam dit « djihadisme ». Dans un premier temps, nous avons vérifié si les huit motifs d’engagement obtenus par notre approche qualitative [Bouzar, Martin, 2016 ; Bouzar 2017], repérés auprès de 830 jeunes pris en charge par le CPDSI entre avril 2014 et août 2016 (tous arrêtés avant leur départ pour rejoindre l’Irak ou la Syrie), pouvaient être confirmés par une approche quantitative en croisant nos résultats avec les statistiques élaborées en collaboration avec l’équipe du Professeur David Cohen du service pédopsychiatrique de l’enfance et de l’adolescence de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris [Campelo, Bouzar, Oppetit, Hefez, Bronsard,Cohen, Bouzar, 2018]. Dans un deuxième temps, nous avons croisé les caractéristiques micro et macro des jeunes recensées avec les promesses des recruteurs et la façon dont ils les ont manipulés, pour les catégoriser et proposer des scénarios de « mécanismes de risque » qui tiennent compte de la combinaison interactive de facteurs micro et macro qui mènent à la radicalisation. Nous avons pu ainsi considérer chaque jeune dans son propre contexte social et en interaction avec la promesse du discours « djihadiste » qui a attiré son attention. Présentés sous forme de trajectoires, les « mécanismes de risque » sont apparus comme des interactions entre des variables individuelles, des besoins individuels 1, et des variables situationnelles (qui comprennent notamment la rencontre avec les promesses du discours « djihadiste »).  Après avoir mis en évidence huit principaux mécanismes de risque liés aux huit motifs d’engagement, nous avons proposé des facteurs de désistance qui correspondent aux besoins repérés dans chaque mécanisme de risque, afin de proposer aux jeunes engagés dans le « djihadisme  » des engagements alternatifs non violents compatibles avec le contrat social, en prenant en compte ce qui sous-tendait leur engagement initial violent. Nous montrons que pour proposer des « engagements alternatifs », les professionnels doivent identifier ce qui sous-tend l’engagement de chacun des radicalisés.

Introduction

Depuis l’article d’Horgan « From profiles to pathways and roots to routes » [Horgan, 2008, p. 80-94], les recherches sur la radicalisation ont cessé de porter sur le « pourquoi ? » de la radicalisation pour se centrer sur le « comment ? » : elles ont abandonné l’idée de rechercher des causes générales pour plutôt étudier la « radicalisation pas à pas » [Collovald & Gaïti, 2006]. Progressivement, les recherches évoluent vers une analyse interactionniste processuelle [Garcet, 2016] et configurationnelle [Fillieule, 2012, P. 37-59]. La radicalisation est alors appréhendée comme le résultat d’un processus et, de ce fait, « son champ d’études s’étend à d’autres domaines et à d’autres temporalités » [Brie & Rambourg, 2015].

Avant l’article d’Horgan, plusieurs variables avaient été proposées comme facteurs causals ou incitatifs de la radicalisation : les traits psychopathologiques [Martens, 2004, p. 45-56 ; Cooper, 1978, p. 253-262 ; Ferracuti, 1982, p. 129-140], psychiatriques [Silke, 1998, p. 51-69], les questions liées à l’identité (identité agressive et négative) [Post, 1990, p. 25-40], les tensions psychologiques qui trouvent leur origine dans la petite enfance [Shaw, 1986, p. 359-368 ; Clayton, Barlow et Ballif-Spanvill, 1998, p. 277-311 ; Pearlstein, 1991], le narcissisme [Rasch, 1979]… Reprochant à ces analyses des biais méthodologiques, qui conduisent notamment, selon leurs détracteurs, à disqualifier les individus terroristes et nier toute dimension politique [Sandler & Lapan, 1988, p. 245-61 ; Crenshaw, 1998, p. 7-24], s’est instaurée une lecture rationnelle de l’engagement [Brie & Rambourg, 2015 ], qui considère le terroriste comme un « individu normal » ayant fait des choix extrêmes. « Le terrorisme y est analysé par une approche stratégique qui consiste à penser l’engagement comme une forme de violence politique résultant d’un comportement instrumental de groupes qui cherchent à réaliser, selon une rationalité collective, leurs objectifs à court ou long terme » [Brie & Rambourg, 2015]. L’action est fondée sur un calcul en termes de coûts et de bénéfices portant sur les chances de réussite des opérations, les risques en cours et les conséquences de l’inaction [Crenshaw, 1996, p. 69-87]. Cette approche s’articule au modèle organisationnel portant sur la compréhension des contraintes qui pèsent sur l’organisation clandestine et qui influent sur ses orientations [Della Porta, 1995], permettant de traiter le problème de la détermination des choix effectués par les acteurs en fonction des contraintes auxquelles ils sont soumis.

Cet angle « d’approche stratégique » a aussi été critiqué dans la mesure où il n’appréhendait pas suffisamment les interactions entre les « dimensions phénoménologiques, cognitives et affectives en jeu dans la “boîte noire”, ce qui a pour conséquences une “sur-rationalisation” des comportements [Clarke & Cornish, 1985, p. 147-185 ; Cornish & Clarke, 2008, p. 294] autant qu’une « sous-socialisation » des acteurs [Ducol, 2013, p. 89-98].

Après l’article d’Horgan, les chercheurs n’ont plus considéré l’engagement dans le terrorisme comme une sorte de déterminisme, ni comme une « entité réactive modelée et guidée par d’hypothétiques dimensions internes » [Garcet, 2016], mais comme le résultat d’une interaction entre des facteurs individuels et des facteurs sociaux. Cela implique « une analyse qui resitue les séries d’enchaînements propres à l’existence, au parcours, aux expériences singulières des individus impliqués et des univers auxquels ils appartiennent et dans lesquels ils évoluent » [Brie & Rambourg, 2015]. Mais « la prise en compte des variables individuelles n'a pas été fondamentalement réévaluée à l’aune de cet interactionnisme » [Garcet, 2016]. Xavier Crettiez remarque également que « Si les études sur les violences de terrorisation 2ont longtemps privilégié une approche historique ou centrée sur les structures de lutte, les interactions avec l’État ou les évolutions doctrinales comme grilles d’explication de la violence, elles n’ont guère pris en compte la subjectivité des acteurs, les itinéraires biographiques ou les constructions psychologiques qui mènent à la lutte armée 3 » [Crettiez, 2016, p. 709-727].

Le rapport du Centre international pour la prévention de la criminalité de 2017 [CIPC, 2017] développe le fait qu’il existe un biais qualitatif important dans la validité des données recueillies, dans la mesure où les chercheurs ont difficilement accès à des données empiriques par l’intermédiaire d’entretiens présentiels individuels ou collectifs semi-directifs (souvent par interviews sur internet/réseaux sociaux ou en prison) et travaillent fréquemment sur des individus qui sont en fin de processus de radicalisation ou totalement radicalisés. Leur transformation cognitivo-affective est alors déjà effectuée et les interviewés ne sont en mesure que d’exprimer leur adhésion à l’idéologie qui fait pleinement autorité sur eux. Si ce niveau de données et d’analyse est important, il ne permet pas d’étudier toutes les étapes qui mènent à l’extrémisme violent. Si l’on prend par exemple l’analyse de l’impact de la situation socio-économique des personnes sur leur radicalisation, il est difficile de « dissocier le discours idéologique de victimisation, construit autour de situations objectives de discrimination, des motivations individuelles où ces pressions environnementales ont été traitées par le système cognitif et affectif d’interprétation pour définir autant un rapport à soi qu’une appartenance et une identité sociale sous la forme d’une posture victimaire » [Garcet, 2016]. La même interrogation s’opère pour analyser les facteurs de vulnérabilité psychologiques ou culturels : comment faire la part des choses entre l’état initial des individus et le résultat de leur transformation cognitivo-affective, après qu’ils ont adhéré au groupe et à l’idéologie « djihadiste » ?

Les données qualitatives, individuelles et collectives, recueillies en continu lors du suivi des jeunes pris en charge d’avril 2014 à août 2016 par le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI) dans le cadre de la circulaire ministérielle du 20 mai 2015 4, l’accès à leurs caractéristiques personnelles avant leur engagement radical, l’accès aux interactions des recrues sur les réseaux sociaux, leurs ordinateurs et/ou leurs téléphones, l’étude des vidéos qui ont été échangées lors du recrutement, le suivi et la mesure de l’évolution de leurs définitions d’eux-mêmes et de la société sur une période de deux ans, l’étude des arguments qui les ont touchés pour sortir de la radicalisation, permettent de construire une première contribution scientifique à cet impensé dans la littérature sur les trajectoires des « djihadistes » : il s’agit de faire la part des choses entre ce qui relève du changement cognitif opéré par le processus de radicalisation et l’état initial de l’individu avant la radicalisation, afin de mieux comprendre les interactions des facteurs micro et macro qui ont contribué à ce cheminement. Seule cette distinction peut aider à bien identifier les étapes de radicalisation sans mélanger les causes et les effets et ainsi à identifier les différentes sensibilités des recrues à la propagande.

Partant du principe que le processus de radicalisation est le résultat d’une combinaison et d’une interaction entre des facteurs individuels, des facteurs sociaux, des facteurs politiques et la rencontre avec l’offre « djihadiste », il s’agit pour nous de nous appuyer sur la connaissance que nous avons des radicalisés de moins de 28 ans avant leur radicalisation (grâce à la participation des parents et des proches à notre étude), sur l’analyse de leurs motivations et de la propagande qui les a touchés, sur leur évolution pendant la radicalisation et la sortie de radicalisation, pour faire l’inventaire des informations recueillies au cours de cette longue période d’environ deux ans et de les catégoriser.

En termes de méthode, pour réaliser cet article, nous avons croisé une étude quantitative de nos données réalisée pour le projet de recherche européen Practicies, avec la collaboration de l’équipe du Professeur David Cohen du service pédopsychiatrique de l’enfance et de l’adolescence de l’hôpital de la Salpêtrière de Paris [Campelo, Bouzar, Oppetit, Hefez, Bronsard,Cohen, Bouzar, 2018] et une étude qualitative élaborée en 2016 dans le cadre de la prise en charge et de l’accompagnement des jeunes du CPDSI, débouchant sur la catégorisation de huit motifs d’engagement [Bouzar, Martin, 2016 ; Bouzar 2017].

Une fois que nous avons pris en compte les variables individuelles « pour les réévaluer à l’aune de cet interactionnisme » [Garcet, 2016], il s’est agi de démontrer la diversité des trajectoires de radicalisation en croisant les caractéristiques micro et macro des jeunes avec les promesses des recruteurs. Nous avons proposé huit scénarios de « mécanismes de risque », qui tiennent compte de la combinaison interactive de l’« offre djihadiste » avec « la demande » des moins de 28 ans. Après avoir mis en évidence les huit mécanismes de risque liés à huit principaux motifs d’engagement, nous avons proposé des facteurs de désistance qui correspondent aux besoins repérés par le discours « djihadiste » dans chaque mécanisme de risque, afin de proposer aux radicalisés des engagements alternatifs non violents prenant en compte ce qui sous-tendait leur engagement « djihadiste ».

Repérer la diversité des motifs d'engagement et des facteurs de risque

Contrairement à l’époque où Al Qaïda faisait référence, le discours « djihadiste » contemporain lié à Daesh s’est répandu sur un territoire qu’il souhaitait peupler. Pour toucher un public élargi, il a adapté ses discours et ses offres [Bouzar, 2014 ; Khosrokhavar, 2014]. Les hommes musulmans n’étaient plus leur seule cible ; les femmes et les non-musulmans étaient aussi visés, ce qui a demandé un aménagement des sollicitations. En juin 2015, les chiffres nationaux concernant la radicalisation font état de 51 % de jeunes de familles musulmanes, de 49 % de « convertis » et de 35% 5 de femmes françaises engagées dans le « djihad ». On a assisté à une véritable individualisation du recrutement français. C’est pour cette raison que nous parlons de « mutation du discours djihadiste » [Bouzar, 2014] : l’observation du parcours des 450 jeunes objets de l’étude 6 montre qu’il existe une véritable adaptation du discours « djihadiste » aux aspirations cognitives et émotionnelles de chacun. Les rabatteurs proposent des motivations différentes en fonction des différents profils psycho-sociaux rencontrés. En effet, pour chaque engagement, il y a une rencontre entre les besoins inconscients du jeune (être utile, fuir le monde réel, se venger…), sa recherche d’idéal (régénérer le monde corrompu, construire une vraie justice, sauver les musulmans….) et le discours du recruteur qui lui propose une raison de faire le « djihad » cohérente à ses yeux (partir pour sauver les enfants gazés par Bachar Al-Assad, construire une société en imposant la loi divine, éliminer tous les opposants à la régénération du monde avec la loi divine…)

Après avoir réalisé une analyse thématique des différentes motivations des jeunes à s’engager dans Daesh, nous les avons catégorisées, pour signifier l’ensemble des raisons inconscientes (arguments implicites issus de l’analyse thématique) et conscientes (arguments explicites invoqués une fois la rencontre avec le discours « djihadiste » effectuée) qui poussent le jeune à s’engager. Dans un deuxième temps, l’approche quantitative a permis de les valider et de proposer une approche clinique qui caractérise chaque motif d’engagement.

Huit principaux motifs d'engagement

Cette analyse thématique a pu se faire selon une méthode de recherche qualitative thématique issue de l’anthropologie sociale [Pope & Mays, 1995] à partir des informations de l’équipe pluridisciplinaire du CPDSI chargée de suivre les jeunes (2014-2016 7). L’accès aux données brutes a permis à l’équipe de déconstruire chaque voie individuelle, à la fois explicitement et implicitement. Il s’est agi de mettre en exergue l’interaction entre les facteurs de risque individuel (micro ou macro) et la rhétorique du recrutement. L’engagement est à la fois de l’ordre du sujet lui-même et de l’interaction avec le mécanisme d’embrigadement. À partir de notre échantillon, nous avons répertorié huit types de trajectoires, que nous avons nommées à travers des métaphores mythologiques [Bouzar, 2016 et 2017]. Tous les motifs d’engagement concernent un meilleur soi et/ou un monde meilleur.

Précisons que le motif d’engagement n’est pas lié au niveau de dangerosité. Il s’agit simplement de trouver quel type de motivation première animait le jeune dans les premiers « petits pas » de son engagement :

– promesse d’un monde plus juste et protecteur (Daeshland) ;

– promesse de faire de l’aide humanitaire (Mère Teresa) ;

– promesse de sauver sa famille de l’enfer (Le Sauveur) ;

– promesse de protéger les plus faibles contre les plus forts avec un groupe de pairs (Lancelot) ;

– promesse de pureté et de contention pour se protéger de ses pulsions sexuelles, notamment homosexuelles non assumées (La Forteresse) ;

–promesse de mort licite et de scénario déculpabilisant pour y arriver (le suicide licite) ;

– promesse de toute-puissance (Zeus) ;

– promesse d’un amour et d’une protection éternels (La Belle au bois dormant) – motif plutôt féminin.

Cultes et cultures

Dans notre échantillon, tous sexes et toutes classes sociales confondus, les motifs d’engagement liés à des promesses de monde meilleur sont prédominants (Daeshland et Lancelot : 38,5 % et 23 %). Cela signifie que les jeunes ont été sensibles à une offre « djihadiste » qui leur faisait miroiter la promesse de participer à la construction d’un monde meilleur.

Si l’on s’intéresse aux motifs selon le genre, les garçons s’engagent majoritairement pour protéger les plus faibles avec un groupe de pairs (Lancelot : 55,2 %) et les filles majoritairement pour participer à un monde plus juste et protecteur (Daeshland : 42,9 %). Ce dernier résultat rejoint les résultats des recherches sur les obstacles à la citoyenneté des femmes, et celles de référence musulmane en particulier [Joly & Khuesheed, 2017]. Les musulmanes auraient davantage de difficultés à participer activement à la citoyenneté en France (car stigmatisées comme potentielles « non républicaines » dès lors qu’elles portent le foulard), plus que dans d’autres pays européens. Ce résultat peut être mis en corrélation avec le succès de la promesse d’un « monde plus juste » avec la loi divine promue par les recruteurs du « djihad ».

Motifs d'engagement des classes moyennes

Le besoin de protection des femmes (La Belle au bois dormant : 31,6 %) n’est pas à prendre à la légère, puisqu’il arrive immédiatement en deuxième motif d’engagement féminin. Ceci n’a rien d’étonnant, car 90 % des jeunes filles qui se sont engagées en fréquentant un « djihadiste » leur promettant une protection éternelle ont subi un abus sexuel/viol avant leur radicalisation 8. Nous pouvons également rajouter celles qui ont vécu un abandon par leur père dès la petite enfance : 73 % de nos jeunes déclarent avoir vécu un abandon symbolique ou réel. Ces résultats peuvent se mettre en perspective avec la grave situation des violences sexuelles non parlées et non traitées, actuellement dénoncée par la vague internationale de protestation des femmes sur les réseaux sociaux et dans les tribunaux de justice, ce qui laisse apparaître une certaine carence sociétale sur cette question. Pour être complets, rajoutons que 37 % de nos jeunes engagés pour ce motif sont des filles mineures contre 12,5 % à peine de filles majeures. La recherche de protection concerne donc plutôt des mineures.

Motifs d'engagement des classes populaires

Pour mieux déconstruire l’interaction entre les facteurs macro et la rhétorique du recrutement, nous nous sommes intéressés aux différentes classes sociales dont sont issus les jeunes (tout en laissant de côté les jeunes de classe sociale aisée, dont le nombre n’est pas significatif).

Les deux tableaux mettent en évidence l’interaction entre les facteurs sociaux et l’adhésion avec telle ou telle promesse du discours « djihadiste ».

Rappelons que la variable de la vulnérabilité sociale n’est pas une condition à la radicalisation. Le nombre élevé de jeunes radicalisés de classe moyenne le prouve. Mais cette variable intervient quand il s’agit d’étudier la dynamique mise en place autour d’un motif d’engagement. Or, le motif d’engagement, c’est-à-dire le type de promesse faite par le discours « djihadiste », va ensuite influer sur le changement de définition de soi et des autres du radicalisé. Comprendre les mécanismes du motif d’engagement est donc primordial pour sortir le jeune de cette vision du monde.

Plus de 57 % des garçons issus des classes moyennes éprouvent un sentiment de responsabilité et de culpabilité qui les mène à être sensibles à la promesse de défendre les plus faibles contre les plus forts (Lancelot). Ce motif exprime une recherche d’un « meilleur soi » et d’un monde meilleur. L’importance de ce motif d’engagement traduit le malaise d’une génération qui a besoin d’être utile dans une période où le chômage les inquiète et où plus aucun rite ne leur permet de montrer qu’ils sont devenus adultes. La recherche de la fraternité est fondamentale dans ce motif également. Nous pouvons faire l’hypothèse que trouver un groupe d’amis dans le monde réel semble plus compliqué aujourd’hui avec l’arrivée des réseaux sociaux. Beaucoup de jeunes hommes témoignent n’avoir jamais réellement eu l’impression d’être entourés par des amis sincères et loyaux. La recherche de groupe de pairs, de la camaraderie, un peu comme à l’armée, est fondamentale dans la promesse de ce motif.

Les garçons de classe populaire restent attirés par la promesse de venger les plus faibles contre les plus forts (Lancelot), mais sont 40,7 % à être sensibles à une promesse de monde plus juste et protecteur Daeshland (contre 15,2 % de classe moyenne). Quant aux filles, elles sont sensibles à la même promesse de monde meilleur (Daeshland) à hauteur de 58,2 % (contre 29,9 % de classe moyenne). Le premier motif d’engagement pour les classes populaires (garçons et filles confondus) est donc Daeshland qui atteint 52,4 % d’intérêt contre 25 % seulement pour les jeunes de classe moyenne.

Autrement dit, on peut penser que les jeunes de classe populaire, particulièrement déçus par le décalage entre les promesses de la devise républicaine et son application, ont été sensibles à une autre promesse : celle de régénérer le monde avec la loi divine qui seule peut, à leurs yeux, combattre la corruption humaine. Chez ces jeunes de classe populaire, il n’y a pas de recherche uniquement de « meilleur soi », mais bien aussi d’un « meilleur monde », qui promette fraternité et solidarité. En ce sens, il y a bien, en quelque sorte, recherche d’« engagement politique ». On peut aussi se demander si, en cas de perte d’espoir social au sens large du terme, en plus des facteurs micro de type psychologique, le facteur macro de type social ne prédomine pas sur les histoires personnelles dans la majorité des cas, pour orienter le jeune à « croire » à telle ou telle promesse du discours « djihadiste ». Les interactions entre les facteurs micro, les facteurs macro et les promesses faites par le discours « djihadiste » constituent la base même de l’engagement « djihadiste ». Mais l’articulation de ces interactions peut s’opérer différemment d’un jeune à l’autre et d’une classe sociale à l’autre.

Les facteurs de risque affinés par la dénomination clinique

Ces profils motivationnels ont été confirmés par une approche quantitative, réalisée par l’équipe du service pédo-psychiatrique de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière dirigée par le professeur David Cohen, à l’aide d’une analyse de correspondance multiple (MCA), qui a précisé plusieurs facteurs statistiques apparaissant dans chaque motif d’engagement.

propositions qualitatives

Cette comparaison a permis de confirmer les correspondances dimensionnelles entre les analyses qualitatives du CPDSI et quantitatives du MCA [Campelo, Bouzar, Oppetit, Hefez, Bronsard,Cohen, Bouzar, 2018], puis l’équipe du service pédo-psychiatrique a procédé à la dénomination clinique des résultats.

propositions quantitatives

Individualiser les modes de prévention en les adaptant aux mécanismes de risques

Nos derniers développements changent le paradigme des recherches sur l’extrémisme violent dit « djihadisme » : ils montrent que la quête « étiologique », qui cherche et caractérise des variables (ou une combinaison de variables) qui constitueraient des facteurs de risque incitatifs à la radicalisation n’est ni juste ni suffisante. Aucune variable n’explique en soi l’entrée en processus de radicalisation. Il s’agit plutôt d’étudier une dynamique qui a pris corps autour d’un individu à un moment donné (souvent pendant son passage de l’enfance à l’âge adulte). Cette dynamique est faite d’une relation entre un individu, son contexte familial, social et politique, son histoire personnelle, et l’organisation « djihadiste ». Nous parlerons dorénavant de « mécanismes de risques ».

Cette complexité explique la difficulté des professionnels à se mettre d’accord sur les définitions, les causes et les effets de la radicalisation, et en conséquence à choisir les moyens pour aider un individu à sortir de l’extrémisme violent. Elle engage les professionnels à se maintenir dans l’interdisciplinarité et à se compléter. Il ne s’agit pas de chercher des variables qui inciteraient les individus à se radicaliser et les « traiter », de manière psychologique et/ou sociale, de manière séparée. Il s’agit d’étudier les conditions dans lesquelles ces variables ont été exploitées par la rhétorique « djihadiste » et les conditions dans lesquelles la rhétorique « djihadiste » a pu faire sens et autorité en se fondant sur ces variables.

Les mécanismes de risque liés aux promesses différentes de la propagande "djihadiste"

« Considérer la radicalisation comme un processus a des conséquences épistémologiques mais également méthodologiques » [Andrews & Bonta, 2006]. L’étude de la trajectoire permet de comprendre « pourquoi une personne s’engage et abandonne, et les facteurs qui expliquent le cours de ces événements » [Horgan, 2008, p. 80-94]. Il s’agit pour nous de tenir compte de l’historicité du sujet, de sa subjectivité, de l’influence de son contexte et de son environnement (personnel mais aussi géopolitique), de ses motivations pour y adhérer, etc., et de la rencontre avec la rhétorique et la proposition du groupe « djihadiste ». Ainsi, nous prenons en compte les schémas d’interprétation de la réalité dysfonctionnels qui conduisent à la violence et la façon qu’ont eue les jeunes de réaliser leur caractère dysfonctionnel. Cela permet d’identifier la fonction des motifs d’engagements des radicalisés : une fonction identitaire, de contention, antidépressive, de protection, de liens humains, d’expérience sensationnelle, etc. [Vandevoorde, Estano et Painset 2017].

approche anxiogène

Nous arrivons à la conclusion que l’évaluation du risque ne se construit pas uniquement à partir de caractéristiques personnelles des individus : non seulement il n’existe pas de « personnalité djihadiste », mais aucun facteur micro ou macro ne se révèle significatif en lui-même [Campelo, Bouzar, Oppetit, Hefez, Bronsard,Cohen, Bouzar, 2018]. C’est la conjonction de plusieurs facteurs différents qui mène les jeunes à s’engager, et c’est en l’étudiant que l’on peut analyser leur processus de radicalisation. Il s’agit d’étudier non pas l’individu mais sa trajectoire, c’est-à-dire la façon « dont un individu évolue vers des croyances radicalisées au fil du temps dans un environnement social fluide et en constante évolution » [Costanza, 2012].

Pour la radicalisation « djihadiste », le facteur de risque n’est pas constitué par une ou plusieurs caractéristiques personnelles, mais par le mécanisme qui alimente chaque motif de radicalisation : c’est pourquoi nous proposons le terme de « mécanismes de risqu», qui nous permet d’identifier les étapes de changement cognitif pour chaque motif d’engagement spécifique. La mesure du risque doit réfléchir à l’enchaînement des attitudes et croyances potentiellement dysfonctionnelles qui mènent au passage à l’acte.

En déconstruisant les étapes des processus, nous avons pu isoler les besoins que le discours « djihadiste » est venu combler. Autrement dit, nous avons identifié la (pré) disposition du jeune qui a permis au discours « djihadiste » de faire sens et autorité, et provoqué ensuite son changement puis son engagement. À chaque étape de l’évolution du jeune, la promesse qui lui est faite par le discours « djihadiste » provoque son changement cognitif et comportemental. « Envisager une compréhension sociocognitive de la radicalisation implique de s’interroger sur l’impact du traitement de l’information opéré par la personne sur ses propres cognitions » [Garcet, 2016].

Nous nous sommes contentés ici de schématiser à grands traits les modalités de fonctionnement de chaque motif d’engagement en mettant en relief leur force attractive spécifique et le changement de définition de soi, des autres et d’un monde que cette force provoquait. Le risque peut s’évaluer à partir de l’analyse des besoins des individus que le discours « djihadiste » est venu combler, puis transformer, faisant naître des nouveaux besoins, qui aboutissent à une nouvelle vision du monde qui provoque ensuite un nouveau comportement : nous avons donc illustré concrètement les facteurs de risque non pas par des généralités, mais par des interactions qui ont alimenté les principaux types d’engagements recensés.

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Des facteurs de désistance adaptés aux mécanismes de risque

Nous avons démontré qu’il existe une interaction dynamique entre les facteurs internes liés à l’historicité du jeune, la façon dont il s’est construit, et les facteurs externes qui comprennent la rencontre avec la rhétorique « djihadiste », sans oublier les facteurs d’opportunité (rencontre avec un groupe, visionnage de vidéo sur Internet, etc.). Partant du principe que ces facteurs s’influencent réciproquement de manière différente selon les individus, les lieux, les rencontres avec les discours radicaux, et le contexte géopolitique du pays, qu’ils sont corrélés et non causaux, il n’y a pas de facteur explicatif décisif pour la radicalisation, mais plutôt une multitude de facteurs de vulnérabilité difficiles à gérer dans une perspective de prévention. L’aspect multifactoriel du processus de radicalisation implique que les propositions imaginées pour prévenir ce phénomène soient variées [Campelo, Oppetit, Neau, Cohen, Bronsard,2018].

Nous faisons l’hypothèse que les facteurs de désistance ne peuvent être généraux à tous les jeunes. Puisque le processus de radicalisation s’est individualisé, la sortie de radicalisation ne peut qu’être également individualisée 9. Identifier les besoins des jeunes comblés (et parfois transformés) par les différentes promesses du discours « djihadiste » doit nous permettre d’imaginer des facteurs de désistance adaptés à l’individualisation de l’engagement. Deux éléments sont à concilier pour y arriver : l’identification des besoins du jeune et leur ciblage dans la stratégie de sortie de radicalisation. Le facteur de désistance ne peut inciter efficacement un individu à quitter un groupe terroriste que s’il prend en compte l’attirance que cet individu avait pour ce groupe terroriste, autrement dit la recherche de sens de l’engagement « djihadiste » et la promesse du groupe « djihadiste ». Cela signifie qu’il ne faut pas contrer le désir initial de changement des jeunes (pour un meilleur soi ou un monde meilleur), mais leur proposer un engagement qui n’utilise pas la violence et ne viole pas les bases du contrat social 10.

Pour aider les professionnels 11, nous proposons une grille qui permette d’investiguer les besoins des jeunes sous-tendus par chaque mécanisme de risque. Au lieu de laisser le discours « djihadiste » combler (et transformer) ces besoins, l’objectif est d’aider les professionnels à proposer d’autres modalités d’engagement, assorties de processus de résilience adaptés 12, qui répondent à ces besoins spécifiques. Si nous résumons succinctement les dénominations cliniques émanant de l’étude quantitative élaborée avec l’équipe du professeur David Cohen [Campelo, Bouzar, Oppetit, Hefez, Bronsard,Cohen, Bouzar, 2018] et la liste des besoins recensés qu’il faut cibler dans les propositions de prise en charge, certaines préconisations très générales peuvent être faites, qui tiennent compte de la réceptivité du radicalisé malgré sa « perspective paranoïaque » [Hofstadter, 196 ]. C’est l’objectif du tableau qui suit.

Plutôt que des « discours alternatifs », la société doit proposer des engagements alternatifs à ceux de Daesh. En amont, il s’agit de déconstruire et de travailler les mécanismes de défense proposés par le discours « djihadiste » et d’en proposer des nouveaux non violents, compatibles avec le contrat social.

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Annexe méthodologique

Contexte

Début avril 2014, le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI) est créé à la demande du SG CIPD 13 (actuel CIPDR) et du ministère de l’Intérieur, en qualité d’association loi 1901, déclarée en préfecture et composée d’un bureau associatif et d’un conseil d’administration. L’associée de Dounia Bouzar garde le cabinet d’expertises Bouzar Expertises fondé en 2008 et seule Dounia Bouzar le quitte pour le CPDSI (pendant deux ans).

En avril 2014, sur mandat du SG CIPD, l’ACSE 14 a octroyé au CPDSI 50 000 € de subvention publique pour financer une première recherche sur les communications entre réseaux radicaux et jeunes dont les parents avaient contacté le CPDSI (« La métamorphose opérée chez le jeune par les nouveaux discours terroristes ») ainsi que pour la réalisation de trois courtes vidéos de témoignages et d’analyses (http://www.cpdsi.fr/categorie/videos/).

En juillet 2014, sur mandat du SG CIPD, l’ACSE a ensuite attribué 188 000 € au CPDSI de subvention pour la prise en charge des 325 familles ayant contacté le CPDSI, la formation de 200 professionnels et la réalisation de 10 journées dédiées auprès des préfectures qui le souhaitaient. Cela a permis au CPDSI de recruter 4 premiers salariés temps plein, statut cadre autonome (cf. en ligne sur le site du CPDSI le bilan pédagogique 2014, le bilan comptable 2014 avec le rapport du commissaire aux comptes 2014).

En avril 2015, le SG CIPD et l’ACSE ont publié un appel d’offres (marché public de libre concurrence) consultable pendant plusieurs semaines. Le CPDSI a postulé. En avril 2015, lors de la notification de l’attribution du marché public, le CPDSI a été informé qu’il avait été la seule structure à postuler. Ce marché public demande de déployer une équipe mobile d’intervention (EMI) et octroie un budget annuel de 595 300 € TTC, en plusieurs versements, d’avril 2015 à avril 2016, et ce pour une année de fonctionnement (12 mois). Cette mission concerne la France et les DOM-TOM, et a pour objectif d’apporter un appui aux cellules de suivi animées par les préfets de département dans le cadre de la prévention de la radicalisation et de financer la prise en charge de 150 jeunes. Le marché prévoit alors une reconduction tacite, sauf si dénonciation de l’une des deux parties (cf. en ligne sur le site du CPDSI le bilan comptable 2015, le rapport du commissaire aux comptes 2015 et le bilan pédagogique 2015). Le CPDSI embauche alors de nouveaux salariés. Le CPDSI constitue une équipe mobile intervenant auprès des professionnels des préfectures, de manière à les accompagner dans la prise en charge des jeunes et des familles signalées radicalisées ou en voie de radicalisation. L’objectif étant de transmettre des connaissances et des outils aux professionnels de terrain afin que les cellules de prévention de la radicalité de chaque préfecture deviennent à terme autonomes. Les modalités de cet accompagnement ont été déterminées par chaque préfet ou directeur de cabinet qui souhaitait saisir le CPDSI, conformément à la circulaire du ministre de l’Intérieur du 20 mai 2015. Le nombre de jeunes suivis est progressivement monté à 809 « pro-daesh », 1 089 si l’on compte les jeunes salafistes suivis à la demande des préfectures.

Le 12 février 2016, le CPDSI a annoncé sa décision de refuser le renouvellement tacite pour une année supplémentaire de son mandat en tant qu’EMI, par voie de communiqué de presse (cf. sur le site du CPDSI notre communiqué de presse annonçant notre refus de renouvellement des 600 000 euros). Cette décision avait été exposée et entérinée au préalable auprès du Comité de pilotage interministériel de l’EMI le 3 février 2016. Elle s’inscrit dans une opposition à réduire la lutte contre Daesh à la déchéance de nationalité, mesure politique phare mise en avant après le drame du Bataclan et des attentats de Paris.

À l’issue de cette annonce, le SG CIPD a sollicité le CPDSI pour organiser la passation auprès des/du futur (s) nouveau (x) prestataire (s). Le SG CIPD a soumis un avenant au CPDSI, de 4 mois (25 avril au 25 août 2016) afin de laisser le temps à l’administration d’émettre un nouvel appel d’offres et de sélectionner les candidats (cf. sur le site du CPDSI le bilan pédagogique 2016 avec présentation d’outils, avec les chiffres du CPDSI validés par le Comité interministériel de pilotage, un exemple de compte rendu mensuel de juillet 2015 du Comité interministériel de pilotage et un exemple de compte rendu mensuel du 27 novembre 2015 du Comité interministériel de pilotage qui contrôlait mensuellement les activités et la gestion du CPDSI.

Des rapports ont été envoyés aux préfets et aux juges pour chaque jeune pris en charge, dont le double a été transmis au CIPDR. Les prises en charge du CPDSI étaient supervisées par le psychiatre Serge Hefez (Service des adolescents de l’hôpital de la Salpêtrière, cf. Convention par le psychiatre Serge Hefez) qui est intervenu dans le débat public sur le désengagement dans une tribune « Un rapport radical, partisan et politique 15 ».

Depuis, Dounia Bouzar est retournée à son cœur de métier : la recherche et la formation des professionnels, au sein de son cabinet d’expertises. C’est dans ce cadre qu’elle a été mandatée par la Commission européenne (Projet européen Practicies) pour élaborer deux rapports qualitatifs et quantitatifs sur les radicalisés (en voie de validation) qu’elle a suivis, dont certains éléments figurent dans cet article.

Recueil des données

Les données individuelles et collectives ont été recueillies en continu lors du suivi par le CPDSI des jeunes pris en charge, qu’il s’agisse de leurs caractéristiques personnelles micro ou macro avant et pendant leur engagement radical. Le matériel disponible provient du recueil des discours des jeunes dans le cadre des prises en charge pour désengagement. Il s’agit d’un ensemble d’entretiens individuels semi-directifs ou non-directifs avec les jeunes et avec leur famille, ou d’entretiens semi-directifs collectifs dans le cadre de groupes de paroles. Dans la majorité des cas, les communications sur les réseaux sociaux, depuis leurs ordinateurs et leurs téléphones ont pu être exploitées par l’équipe pluridisciplinaire du CPDSI, grâce à la relation de confiance avec les proches qui ont demandé de l’aide pour la personne embrigadée. Les vidéos visionnées et/ou échangées ont également été analysées pour mieux comprendre la relation du jeune à la propagande.

Echantillon

350 jeunes djihadistes et 100 jeunes salafistes, tous pris en charge par le CPDSI d’avril 2014 à août 2016. Nous renvoyons à l’article : Campelo (N.), Bouzar (L.), Oppetit (A.), Hefez (S.), Bronsard (G.),Cohen (D.), Bouzar (D.), 2018, « Joining the Islamic State from France between 2014 and 2016: an observational follow-up study : Palgrave Communications», (4_137)/DOI : 10.1057/s41599-0180191-8, pour le detail de la méthodologie.

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Notes

(1) Il y a deux niveaux de besoins des jeunes : des besoins propres consécutifs à l’historicité du jeune et des besoins induits faisant suite à la rencontre avec la promesse du groupe « djihadiste ».

(2) Cité par l’auteur : Sommier O. (Le terrorisme, Paris, Flammarion, 2000) propose ce terme définissant les violences extrêmes allant du terrorisme de masse aux violences génocidaires.

(3) Commenté par l’auteur : l’approche psychologique souvent décriée peut cependant s’avérer féconde sous deux dimensions. La première revient à saisir les déterminants psychologiques des acteurs qui s’engagent dans des luttes extrêmes en cernant au mieux les besoins de reconnaissance ou de rehausse de l’estime de soi. Les travaux de Michel Dubec sur Jean-Marc Rouillan, fondateur d’Action directe, et ceux d’Antoine Linier sur la Gauche prolétarienne sont à ce titre éclairants : Dubec (M.), 2007, Le plaisir de tuer, Paris, Seuil ; Linier (A.), 1985, Terrorisme et démocratie, Paris, Fayard. La seconde dimension insiste sur les travers psychologiques d’une socialisation au sein de groupes sectaires, des effets de la clandestinité ou d’une pensée groupale fermée (Irving (J.), 1977, Decision Making. A Psychological Analysis of Conflict, Choice and Commitment, Londres, Macmillan).

(4) Cf. détails mandat, rôle et historique du CPDSI dans annexe.

(5) Cf. Ciotti et Menucci, 2015, « Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur la surveillance des flières et des individus djihadistes »
no 2828, 2 juin.

(6) Cf. annexe.

(7) Cf. annexe.

(8) Concernant l’ensemble de l’échantillon, indépendamment des motifs d’engagement, nous trouvons un chiffre de 31 % de nos jeunes qui ont subi une violence sexuelle ou un viol, non déclaré et non traité avant la radicalisation.

(9) Le CIPC, 2017, Ibid., indique que d’autres auteurs Biorgo (2013), Ramalingam (2014) partagent notre posture sur le fait que « comme la radicalisation est un processus individualisé, les approches de prévention et de réhabilitation doivent aussi l’être ».

(10) Kundnani (2009) partage cette opinion et suggère que des espaces sûrs doivent être créés pour que les jeunes s’engagent dans un débat honnête sur des questions politiques difficiles – en d’autres termes, des espaces comme ceux créés dans le cadre du projet « street » au Royaume-Uni, cité par CIPC, 2017, Ibid.

(11) Un logiciel réalisé par Bouzar-expertises avec la collaboration d’Alain Ruffion nommé « Résilience Bouzar-Ruffion » est en voie de validation par la Commission européenne (projet Practicies). Il sera à disposition des travailleurs sociaux pour les aider à évaluer le degré de résilience d’un jeune suivi.

(12) Cf. les réflexions d’Alain Ruffion à ce sujet, Méthode d’intervention en prévention de la radicalisation, La boîte à Pandore, 2017.

(13) CIPD : Comité interministériel de la prévention de la délinquance – www.sgcipd.gouv.fr.

(14) ACSE : Agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, devenue le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET).

(15) Tribune de Serge Hefez, « Déradicalisation : un rapport radical, partisan et politique », Libération du 28 février 2017 : http://www.liberation.fr/debats/2017/02/28/deradicalisation-un-rapport-radical-partisan-et-politique_1551675

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Fonction Docteure en anthropologie